Così fan tutte - Opéra - Programmation Saison 16/17 - Opéra national de Paris

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    Così fan tutte

    Wolfgang Amadeus Mozart

    Palais Garnier - du 26 janvier au 19 février 2017

    Christophe Pelé / OnP

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Così fan tutte

Palais Garnier - du 26 janvier au 19 février 2017

Opéra

Così fan tutte

Wolfgang Amadeus Mozart

Palais Garnier - du 26 janvier au 19 février 2017

3h40 avec 1 entracte

Langue : Italien

À propos

En quelques mots :

«En ce moment vous aimez un homme, vous en aimerez un autre ; l’un vaut l’autre parce qu’aucun ne vaut rien.»  

despina, Acte I, scène 9


Provoqués par Don Alfonso, vieux philosophe cynique, deux jeunes idéalistes décident de mettre à l’épreuve la fidélité de leur amante. L’amour leur infligera une amère leçon : ceux qui se croyaient phénix et déesses se découvriront corps désirants… Nous sommes en 1790, un an après la Révolution française, lorsque, pour ce qui sera leur dernière collaboration, Mozart et Da Ponte choisissent de mener cette expérience amoureuse et scientifique. Étrange musique que celle de ce Così fan tutte, complexe dans sa symétrie, souriante et pourtant d’une mélancolie presque sacrale. Étrange musique dont chacune des notes semble destinée à nous faire accepter la perte – perte du paradis, perte de la jeunesse, perte de l’être aimé – pour dessiner un monde où tout se transforme, tout est mouvement. Ce laboratoire de l’érotisme ne pouvait qu’inspirer Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphe, qui excelle à rendre visible sur scène la géométrie profonde des œuvres. Avec six chanteurs doublés de six danseurs, elle met en scène le désir qui unit et sépare les êtres, pareil aux interactions entre les atomes qui, quand elles se brisent, rendent possibles de nouvelles liaisons.

PERSONNAGES

Ferrando, Guglielmo : Deux jeunes officiers
Fiordiligi : Fiancée de Guglielmo
Dorabella : Sœur de Fiordiligi, fiancée à Ferrando
Don Alfonso : Philosophe, ami de Ferrando et Guglielmo
Despina : Femme de chambre au service de Fiordiligi et Dorabella  

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Così fan tutte - Wolfgang Amadeus Mozart

Coulisses

  • Schönberg, Verdi, Wagner, Berlioz : l’engagement des cycles

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    Schönberg, Verdi, Wagner, Berlioz : l’engagement des cycles

  • Danser la voix

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    Danser la voix

  • Tous les mêmes, toutes les mêmes

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    Tous les mêmes, toutes les mêmes

© Bernd Uhlig

Schönberg, Verdi, Wagner, Berlioz : l’engagement des cycles

Article

Schönberg, Verdi, Wagner, Berlioz : l’engagement des cycles

Regard sur la saison 15/16

05’

Par Octave

À l’occasion de la pause estivale, nous vous proposons un regard rétrospectif sur la première saison de Stéphane Lissner à l’Opéra national de Paris. Le rythme de la saison 15/16 a été marqué par des rendez-vous réguliers avec des compositeurs dont l’œuvre, incontournable ou énigmatique, appelle à l’invention et à la découverte. Entre reprises de productions phares et créations, ces divers compagnonnages ont donné le ton d’une saison lyrique éclectique, révélant l’inépuisable qualité de l’Orchestre et des Chœurs.


« Oser ! »

En effet, il fallait de l’audace pour inaugurer la saison 15/16 avec un concert symphonique d’Arnold Schönberg, de surcroît en terrain inconnu. L’Orchestre de l’Opéra national de Paris a investi la Philharmonie de Paris pour la première fois avec les Variations pour orchestre, op.31, pièce majeure de la modernité musicale, inaugurant un cycle dédié au compositeur autrichien. Philippe Jordan a ainsi porté le défi de faire connaître au public l’œuvre de Schönberg dans toute sa diversité à travers une série de concerts et récitals qui s’est poursuivie avec le Pierrot Lunaire et le Quatuor à cordes, op.10 – reflet de son basculement du romantisme tardif à l’atonalité puis les Gürre Lieder. L’apothéose de cet engagement fut sans doute la mobilisation de toutes les forces vives de l’Opéra au service de Moses und Aron, opéra philosophique inachevé de Schönberg, réputé aride à la mise en scène. « Il y a quelque chose de fondamentalement théâtral et humain dans l’œuvre qu’il faut reconnaître », affirmait Philippe Jordan dans un entretien. La tâche fut confiée au plus plasticien des metteurs en scène actuels, Romeo Castellucci. Le résultat fut une saisissante traversée de signes contraires, de traînées de paroles qui souillent et d’images obsédantes, réussissant le pari de faire de Schönberg notre contemporain. Pour compléter ce cycle, le romantisme du compositeur a trouvé une incarnation fiévreuse avec les danseurs du Ballet de l’Opéra et La Nuit transfigurée chorégraphiée par Anne Teresa de Keersmaeker. La chorégraphe renouvellera sa collaboration avec l’Opéra de Paris la saison prochaine et signera la mise en scène de Così fan tutte, qui viendra inaugurer une trilogie Da Ponte.    
"La Nuit transfigurée" d'Anne Teresa De Keersmaeker © Agathe Poupeney

« Vibrer ! »

À l’instar de Moses und Aron, la saison 15/16 a été marquée par le retour en grâce d’ouvrages rarement – voire jamais – donnés sur les scènes de l’Opéra de Paris. Des spectacles à la valeur quasi événementielle ont pu faire vibrer le public comme ce fut le cas en mars avec Die Meistersinger von Nürnberg de Richard Wagner qui n’avait pas été donné depuis un quart de siècle. Philippe Jordan a retrouvé le metteur en scène Stefan Herheim pour offrir au public de l’Opéra Bastille cinq heures de jubilation musicale et scénique. À travers le personnage de Hans Sachs, Wagner médite sur le statut de l’artiste, et signe un autoportrait sur le mode de la comédie. Le cycle wagnérien se poursuivra lors de la saison 16/17 avec un concert d’extraits de La Tétralogie et Lohengrin mis en scène par Claus Guth, avec Jonas Kaufmann dans le rôle-titre. Fidèle à l’Opéra de Paris, le ténor allemand a prêté sa voix à La Damnation de Faust d’Hector Berlioz, qui venait inaugurer le cycle dédié au compositeur. Cette « légende dramatique » à la forme complexe est manifeste d’un compositeur visionnaire et le public pourra découvrir au cours de la saison prochaine la richesse musicale de son œuvre avec Béatrice et Bénédict en version concert.    
Sophie Koch, Jonas Kaufmann
Sophie Koch, Jonas Kaufmann © Élena Bauer / OnP

« Désirer ! »

Les cycles permettent de se laisser surprendre par la diversité des univers pouvant germer de l’œuvre d’un même compositeur. Le cycle dédié à Giuseppe Verdi a témoigné avec éclat de la fécondité du répertoire. Cette saison, deux metteurs en scène à la renommée internationale ont fait leurs débuts à l’Opéra de Paris en s’emparant d’opéras verdiens. L’Espagnol Alex Ollé, de la Fura dels Baus, s’est intéressé dans Le Trouvère à l’exacerbation des tensions sociales en temps de conflit, avec une scénographie inspirée de la Première Guerre mondiale. L’Allemand Claus Guth quant à lui a créé un cabaret mélancolique dans une boîte en carton avec pour matière les fantasmes et les regrets de Rigoletto. La trilogie populaire s’est vue complétée par la reprise de La Traviata dans la mise en scène de Benoît Jacquot ; le réalisateur rendant hommage à cette héroïne sulfureuse du XIXe siècle avec l’élégance qu’on lui connaît. Le cycle verdien laisse avant tout place belle au plaisir du chant. On a pu voir ainsi les plus grandes voix évoluer sur les scènes de l’Opéra de Paris: Anna Netrebko, Marcelo Àlvarez, Sonya Yoncheva, Bryan Hymel… En clôture de saison, comme une cerise sur le gâteau, Aida a compté parmi les plateaux vocaux les plus éclatants de la saison : avec Sondra Radvanovsky dans le rôle-titre aux côtés d’Alexandrs Antonenko et de la révélation Anita Rachvelishvili. La mezzo-soprano géorgienne sera de retour la saison prochaine dans Samson et Dalila et Carmen, le rôle qui l’a propulsée sur le devant de la scène internationale; si bien que l’on aimerait presque que la rentrée soit demain !
Anita Rachvelishvili
Anita Rachvelishvili © Salvatore Sportato

© Anne Van Aerschot

Danser la voix

04:00’

Vidéo

Danser la voix

Dans les coulisses de Così fan tutte

Par Octave

A l’occasion de la nouvelle production de Così fan tutte mise en scène par Anne Teresa De Keersmaeker, rencontre en répétition avec les chanteurs Edwin Crossley-Mercer (Guglielmo) et Michèle Losier (Dorabella), et les danseurs Michaël Pomero (Guglielmo) et Cynthia Loemij (Fiordiligi).    

© Anne Van Aerschot

Tous les mêmes, toutes les mêmes

Article

Tous les mêmes, toutes les mêmes

Entretien avec Anne Teresa De Keersmaeker

11’

Par Wannes Gyselinck

L’Opéra a demandé à la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker de mettre en scène Così fan tutte de Mozart. Littéralement : « Elles font toutes ainsi. » La chorégraphe revient sur les ambiguïtés de Così, misogyne pour les uns, féministe avant l’heure pour les autres.

Cosi fan tutte est souvent taxé de misogynie. Quel est votre avis sur la question ?

L’accueil réservé à Così fan tutte a été particulier. Mozart a composé cette œuvre en 1790, c’est-à-dire un an après la Révolution française et un an avant sa mort. Ces deux ombres planent sur l’opéra. Ce qui explique pourquoi cette comédie exprime, musicalement parlant, un sentiment de perte. On y entend l’adieu à la vie et l’adieu à une époque. Après les quelques premières représentations unanimement acclamées, on apprend le décès inopiné de Joseph II, à la tête du Saint-Empire romain. Cet homme n’était pas seulement le mécène et le protecteur de Mozart, mais aussi une des plus illustres figures politiques du temps des Lumières. Il avait notamment réformé le droit matrimonial afin que les femmes puissent donner leur accord avant de se marier. En d’autres termes, il leur était possible pour la toute première fois de choisir leur partenaire. Après la Révolution française et la Terreur, survient la restauration bourgeoise qui va de nouveau durcir les mœurs, aux dépens des femmes, comme toujours. Dans ce climat transformé, Così fan tutte semble tout à coup beaucoup trop léger, trop frivole, trop explicite sexuellement. Le livret y est aussi pour quelque chose, sans aucun doute, car il joue les funambules entre opera buffo et opera seria, entre comique et sérieux.

L’opéra n’est pas misogyne, bien au contraire. Les deux interprétations – misogynie et excès de frivolité – témoignent à mon sens d’une lecture superficielle. Surtout d’une écoute superficielle. Prima la musica, dopo le parole. La musique d’abord, les paroles ensuite. Car c’est bien là, dans la musique, que tout se joue. C’est la musique qui transforme la banalité burlesque de cette comédie de boulevard en une contemplation par moments très mélancolique, presque cosmico-religieuse, sur la relation entre le désir et la mort, sur la complexité de l’âme humaine. Et surtout la musique des personnages féminins. En réalité, les hommes y font figure d’idiots. Ils agissent comme des machos. Seule compte la fidélité de leur femme, c’est une affaire d’honneur vis-à-vis des autres hommes. « Porter des cornes », être donc trahi par un autre homme, était l’humiliation suprême.

Pourrait-on dire de Mozart qu’il fut un féministe précoce, dans ce cas ?

Nous sommes sûrs que dans les dernières années de sa vie Mozart a été très influencé par les penseurs des Lumières. Leurs idées, qui allaient finalement déclencher la Révolution française, circulaient dans des sociétés secrètes viennoises dont Mozart était membre – la franc-maçonnerie, la Rose-Croix et d’autres clubs ésotériques. Pour utiliser le vocabulaire des francs-maçons, ces lieux étaient de véritables ateliers où l’on cherchait les moyens de transformer l’ordre existant sur la base de la Raison. L’expérience de Don Alfonso doit se lire comme une proposition visant à remettre fondamentalement en question et à réévaluer l’ordre établi entre les hommes et les femmes, en s’appuyant sur la raison. C’est un projet typique des Lumières. Mozart, de son côté, y ajoute une dimension critique grâce à la musique. Au moment de la leçon de mœurs de Don Alfonso, cette musique ne prend aucun accent triomphateur, ce qui n’arrive jamais dans un finale d’opéra. Elle s’émousse aussi quelque peu dans les arias où Mozart donne des ailes aux réflexions de ses personnages et aux teintes complexes de leur vie sentimentale, surtout chez les femmes.
La musique y prend une profondeur qui suggère le potentiel volcanique du désir et des instincts animaux, ainsi que leur vulnérabilité. Le fait que les sommets dramatiques et musicaux des arias soient ceux des personnages féminins ne doit rien au hasard. Si Mozart suggère quelque chose, c’est que la vie sentimentale des femmes est autrement plus sérieuse et plus profonde que celle des hommes. La leçon de morale de Don Alfonso vous met peut-être à l’abri de la naïveté ou même des meurtrissures de l’amour, mais Mozart semble douter fortement que placer toute sa confiance dans la raison puisse rendre heureux.
Tous les acteurs sortent en lambeaux de l’expérience. Rien n’a changé en apparence, alors que plus rien ne pourra être comme avant.

Faut-il comprendre que la musique jette une ombre sur la leçon de morale des Lumières ?

Oui, mais le livret aussi est moins naïf qu’on pourrait le croire. Despina, la servante un peu plus âgée, est le pendant féminin de Don Alfonso. Alors que les hommes partent soi-disant à la guerre, elle force les femmes, affligées et restées à la maison, à faire face à la réalité. « Vous pensez vraiment que vos fiancés partis à la guerre vont rester fidèles ? Mes jeunes tourterelles, ne vous faites aucune illusion. Au lieu de rester assises-là à sangloter, faites comme moi, mettez-vous en chasse ! » Elle prononce un plaidoyer pour l’autonomie féminine, pour le plaisir et le sens des réalités.
Ce processus qu’elles traversent les invite à porter un autre regard sur les relations entre hommes et femmes. Car les hommes aussi, et Ferrando le premier, parviennent au constat troublant qu’ils peuvent être amoureux de deux femmes en même temps. Que leur notion courtoise et aristocrate de l’amour est trop simpliste. En troquant leur uniforme traditionnel pour les habits exotiques de soldats albanais, ils ont entrouvert une porte qui leur permet d’échapper aux protocoles. D’un seul coup, l’amour devient terra incognita, un laboratoire où il est possible de mener à bien des expérimentations sans qu’on puisse en connaître le résultat à l’avance, y compris pour les hommes. L’intrigue de Così fan tutte est souvent comparée à un processus chimique : quatre personnages sont fusionnés et le spectateur observe le résultat.
© Anne Van Aerschot

Si « Così » est une expérience alchimique, quel est l’or auquel on parvient in fine ?

La question est délicate. Parce que les nouvelles interactions, la formation des nouveaux couples, sont défaites à la fin. Tous les acteurs sortent en lambeaux de l’expérience. Rien n’a changé en apparence, alors que plus rien ne pourra être comme avant. Au début de l’opéra, il se font une idée à la fois idéalisée et naïve de l’amour. L’amour est éternel, inconditionnel, ultime. Il est irréaliste et même irréel : les hommes prennent leurs femmes pour des déesses ; les femmes tombent en pamoison devant les portraits de leurs hommes. À vrai dire, ils sont tous amoureux d’une idée. On ne peut pas appeler cela du romantisme, car il est encore à venir. Disons que leurs idées sur l’amour sont conventionnelles.
Elles s’insèrent dans les structures sociétales existantes qui ont pour fonction de réfréner les instincts et les passions. Plus encore chez les femmes. L’or symbolique réside donc plutôt dans l’invitation à accepter, à propos de l’amour, des idées plus complexes, moins naïves, plus adultes. Là réside à mon sens la véritable leçon morale : oui, ça fera mal, effectivement l’amour est compliqué, inquiétant, déracinant ; mais personne n’y peut rien. Nous sommes vraiment très loin des « héroïnes » des opéras romantiques qui deviennent folles d’amour, mettent fin à leurs jours parce que trompées ou quittées, dans un accès d’hystérie à la Lucia di Lammermoor et consorts. N’est-ce pas dans ces opéras romantiques que l’on trouve la misogynie, la vraie ?

Vous évoquez la présence d’accès extrêmement mélancoliques dans l’opéra. Quelle serait votre explication ?

La période pendant laquelle Mozart a écrit l’opéra peut aussi se concevoir comme une transformation au sens alchimique. La Révolution française, la transmission du pouvoir de l’aristocratie à la bourgeoisie, c’est aussi l’adieu à un ordre établi et la quête d’autres formes possibles. Mais ces éléments ne suffisent pas à expliquer la mélancolie de la musique, qui surgit souvent à des moments où le texte est relativement banal. Prenez par exemple le moment de la séparation des deux couples, dans l’aria Soave sia il vento, quand les hommes partent soi-disant à la guerre.
La musique va beaucoup plus loin que l’intrigue elle-même. Peu de musiques expriment avec autant de nuance et de prégnance la relation entre le désir et la mort. Chaque fois que le mot « désir » est chanté, Mozart fait entendre un accord qui contient une dissonance inconnue, presque moderne. Le désir est mis en tension sur le plan harmonique. La même chose se produit dans les Nozze di Figaro quand Barbarina égare son épingle dans la pelouse. Elle chante qu’elle ne trouve plus son épingle et craint que l’intrigue ne s’ébruite. Un propos on ne peut plus banal en surface. Mais la musique est d’une beauté élégiaque. Mozart exprime ici un sentiment de perte que l’on peut franchement qualifier d’existentiel. Il est tentant de considérer cette scène en pensant à sa mort toute proche et bien trop prématurée. Chez Mozart, ce moment résonne comme une conscience de la finitude concrète, et laisse aussi deviner une conscience intégrée dans un tout.

Comment gérez-vous cette tension entre le livret et la musique dans votre mise en scène ?

La danse a pour fonction de souligner la tension entre le texte et la musique, et même à certains moments de l’accentuer. Comme dans Vortex Temporum, chaque musicien, chaque chanteur en l’occurrence, est doublé par un danseur. Cette duplication crée une troisième voix visible à côté de la musique et du texte. C’est surtout en raison de la musique que, malgré les doutes que j’émets sur l’opéra en tant que médium, j’ai accepté la demande de l’Opéra de Paris : elle est tellement pleine de mouvements, corporels, émotionnels. En prenant la musique comme point de départ, j’espère trouver un degré d’abstraction plus élevé, et donc être en mesure de découvrir l’essence de l’œuvre. Dans la plupart des mises en scène, la beauté et la profondeur de la musique sont inondées sous les draperies, les costumes, les portes qui s’ouvrent et se referment. On ne s’épargne aucun effort pour rendre l’intrigue et la psychologie manifestes.
Ce sont précisément ces aspects qui m’intéressent le moins. Michael Haneke est, à cet égard, l’exception qui confirme la règle. Son approche était très réaliste, mais sa mise en scène, magistrale. D’autres actualisent la situation, à l’image de Peter Sellars qui transpose l’histoire dans un dîner américain moderne et insiste sur l’aspect buffa. Mon objectif est ailleurs : dissiper par la danse la tension entre l’instinct de vie et l’instinct de mort. Comment rendre les idées de Mozart lisibles ou mieux encore tangibles, sans les interpréter ? Comment la danse peut-elle hisser les dimensions anecdotiques de l’intrigue jusqu’à un niveau plus humain, plus haut, cosmique même ? Comment faire en sorte qu’il ne soit pas tant question d’hommes et de femmes, mais d’énergies masculines et féminines ?    
Comment faire en sorte qu’il ne soit pas tant question d’hommes et de femmes, mais d’énergies masculines et féminines ?

Qu’est-ce qui vous attire moins pour le moment dans la dynamique classique homme/femme en danse ?

Je suis davantage intéressée par les phénomènes récursifs qui dépassent cette polarité biologique. Non pas que je nie cette polarité, mais j’essaie de la traduire sous une forme plus abstraite. Je trouve qu’il est de moins en moins intéressant de l’incarner dans sa forme la plus primaire et la plus instinctive – homme contre femme. Ce qui m’intéresse justement dans la danse, c’est la possibilité qu’elle offre de matérialiser les idées les plus abstraites. Cette évolution est aussi liée au vieillissement : je ressens davantage le besoin du formalisme dans l’écriture, pour toucher davantage à l’essence des choses.


Wannes Gyselinck est rédacteur principal de rekto:verso.


La production de Così fan tutte est créée le 26 janvier 2017 au Palais Garnier à Paris et y est programmée jusqu’au 19 février 2017. 

Mécènes et partenaires

Ce spectacle fera l’objet d’une captation audiovisuelle

Une co-production Opéra national de Paris, Telmondis, Idéale Audience et Mezzo avec le soutien du CNC, réalisée par Louise Narboni.
Diffusion en direct au cinéma le 16 février, diffusion sur Mezzo ultérieurement.
Diffusion sur France Musique ultérieurement.

Partenaires médias et techniques

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