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Rigoletto
Opéra Bastille - du 23 octobre au 24 novembre 2021
Rigoletto
Giuseppe Verdi
Opéra Bastille - du 23 octobre au 24 novembre 2021
2h45 avec 1 entracte
Langue : Italien
Surtitrage : Français / Anglais
-
Première : 23 oct. 2021
À propos
En quelques mots :
Un père meurtri face au corps sans vie de son enfant. Telle est la déchirante image fixée sur les dernières mesures de Rigoletto. Partant de ce drame, Claus Guth construit un spectacle où le bouffon revoit défiler sa vie, une humiliante farce que seule adoucissait la présence de sa fille. Dans le refuge d’une scénographie à la poésie contemporaine, hanté par l’indélébile souvenir de Gilda, Rigoletto la réentend s’éveiller à l’amour trompeur du Duc de Mantoue – « Caro nome… » –, un chant candide, parmi les plus beaux que Verdi ait composés pour soprano.
PERSONNAGES
Le duc de Mantoue : Libertin cynique et coureur de jupons
Rigoletto : Bouffon du duc de Mantoue
Gilda : Fille de Rigoletto
Sparafucile : Tueur à gages
Maddalena : Soeur de Sparafucile
Giovanna : Une femme au service de Rigoletto
Le comte de Monterone : Courtisan dont la fille a été séduite par le duc de Mantoue
Marullo : Courtisan à la cour de Mantoue
Matteo Borsa : Courtisan à la cour de Mantoue
Le comte de Ceprano : Courtisan à la cour de Mantoue
La comtesse de Ceprano : Femme du comte de Ceprano, courtisée par le duc
- Ouverture
- Première partie 60 mn
- Entracte 30 mn
- Deuxième partie 75 mn
- Fin
-
Rigoletto
Melodramma en trois actes (1851)
D'après Victor Hugo, Le Roi s'amuse
-
Représentations
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Ne me regarde pas (Rigoletto - Giuseppe Verdi)
Rigoletto - « La donna è mobile »
Coulisses
01:42’
Vidéo
Dessine-moi Rigoletto
Une minute pour comprendre l’intrigue
Un père meurtri face au corps sans vie de son enfant. Telle est la déchirante image fixée sur les dernières mesures de Rigoletto. Partant de ce drame, Claus Guth construit un spectacle où le bouffon revoit défiler sa vie, une humiliante farce que seule adoucissait la présence de sa fille. Dans le refuge d’une scénographie à la poésie contemporaine, hanté par l’indélébile souvenir de Gilda, Rigoletto la réentend s’éveiller à l’amour trompeur du Duc de Mantoue – « Caro nome… » –, un chant candide, parmi les plus beaux que Verdi ait composés pour soprano.
© Elena Bauer / OnP
Article
Visions de Claus Guth
Portrait du metteur en scène
08’
Depuis de nombreuses années, Claus Guth est l’un des metteurs en scène d’opéra les plus demandés dans le monde. On peut voir ses mises en scène de Vienne à Barcelone, d’Amsterdam à Zurich, de Londres et Milan à Lyon, de Glyndebourne à Aix-en-Provence (été 2022) et Salzbourg, de Madrid et Moscou à Toronto et New York ; et bien entendu en Allemagne, son pays natal : Berlin, Hambourg, Francfort, Munich, Bayreuth… Tout comme depuis 2016 à l’Opéra national de Paris.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de Claus Guth ? En raison de ses origines, on l’apostrophe parfois comme un représentant de ce qu’on appelle le « Regietheater » allemand.
Généralement, on entend par là un style de mise en scène qui cherche à attirer l’attention par une réécriture arbitraire des œuvres du répertoire classique, disgracieux du point de vue esthétique et délibérément provocateur. Des caractéristiques inopérantes à l’égard de Claus Guth.
Lorsqu’il place l’action de La Bohème dans l’espace, c’est tout sauf fortuit. Bien au contraire, c’est pour viser le cœur de cette partition ; il n’y en a guère d’autre où la métaphore du froid est aussi présente, dans le texte comme dans la musique. Il suffit de penser au début de l’acte III, à la scène de la Barrière d’Enfer. Ou au manchon de Mimi qui réchauffe un peu ses mains toujours gelées. Où fait-il plus froid que dans l’espace ? Et où a-t-on entendu une telle vastitude planétaire (et non, justement, l’étroitesse d’une mansarde) que dans les duos de Mimi et Rodolfo ?
De quoi parle l’opéra de Puccini ? À la fin, un groupe de jeunes gens se retrouve impuissant face à la mort de l’un d’entre eux. Leurs espoirs sont brisés, dans le domaine de l’art comme en amour. Claus Guth accentue ce constat, en envoyant dès le départ les protagonistes vers une mort certaine dans leur vaisseau spatial défectueux et en vrille. Les réserves d’oxygène s’épuisent, l’atterrissage sur une planète loin de la Terre devient la station finale. Seuls restent les souvenirs. Le texte à l’origine du livret, les Scènes de la vie de bohème de Mürger, est lui aussi comme un souvenir « idéalisé » de la jeunesse, écrit par des messieurs d’un certain âge. Le souvenir d’une époque où tout semblait possible. Des souvenirs qui se matérialisent. Et soudain, une image réconfortante de Paris surgit dans le vaisseau high-tech : le café Momus, le vendeur de jouets, le petit tapage que fait Musette pour faire fuir son riche protecteur… Tout est là, mais dans le souvenir. Et à la surface aride de la planète étrangère qu’on ne peut fouler qu’en combinaison de cosmonaute, apparaît un solitaire ballon de baudruche rouge.
Prenons Rigoletto : lorsque l’immense plateau de l’Opéra Bastille se transforme en une gigantesque boîte en carton, quelle en est la signification ? Là aussi, c’est tout sauf arbitraire. Le bouffon bossu est, comme Verdi l’indique clairement, dès le début frappé par une malédiction. La tragédie de l’amuseur qui tente de dissocier son bonheur personnel de père de son rôle cynique à la Cour, en enfermant de façon stricte sa fille adolescente, et qui, précisément pour cette raison, deviendra à la fin l’assassin de Gilda, se déroule avec une logique implacable. D’autant plus implacable que nous voyons Rigoletto dès le début comme un être brisé. Sa vie est détruite. Son existence tient dans une boîte en carton à l’intérieur de laquelle il n’y a rien d’autre que le bonnet de fou et la robe tachée de sang de sa fille dont il a lui-même causé la mort. Des objets qui lui font revivre sans cesse la tragédie. Par le dédoublement du personnage (à côté du baryton, un comédien incarne sur scène le vieux Rigoletto), il devient un spectateur impuissant des scènes-clé qui ont provoqué la catastrophe. Ce qui est advenu est advenu, rien ne peut l’arrêter. Ainsi, tout l’univers de ce drame captivant tient dans une boîte en carton et nous saisit justement par cette réduction. Les lieux sont indiqués par quelques rares éléments de décor, l’histoire imaginée par Victor Hugo est réduite à sa substance et les clichés habituels sont contournés avec élégance.
Bien entendu, derrière de telles mises en scène, il y a aussi la volonté de faire parler d’une manière nouvelle les œuvres du répertoire largement connues. Mais toujours avec la volonté de pénétrer au cœur de ces œuvres. En partant non du livret, mais surtout de la musique. Sur ce plan, Claus Guth est totalement impulsif et se fie entièrement à son instinct : si une partition ne lui parle pas de façon directe, si les sons ne mettent pas en mouvement son imagination, il refuse de mettre en scène la pièce. L’écoute intuitive de la partition est suivie par l’étude de celle-ci, scène après scène. Une lecture précise est élaborée pour ensuite laisser beaucoup de liberté lors des répétitions aux chanteuses et chanteurs qui peuvent développer leur jeu et souvent se dépasser à l’intérieur d’indications précises.
Né à Francfort-sur-le-Main, le metteur en scène s’intéresse dans un premier temps au cinéma. À 16 ans, il tourne déjà des courts métrages en super 8. À l’université de Munich, il suit des études de philosophie, de lettres allemandes et de théâtre avant de faire des études de mise en scène à l’Académie de théâtre August Everding de Munich. Son intérêt pour le cinéma est resté vif et se concrétise dans ses productions par l’utilisation multiple de projections vidéo, cependant jamais réduites à un rôle d’accessoire décoratif.
En plus de 30 ans, un corpus multiforme de mises en scène s’est constitué. Wagner et Strauss en sont ses axes essentiels. Le cycle Mozart-Da Ponte monté pour le Festival de Salzbourg, est devenu mythique. Il a été complété par La Clemenza di Tito et Lucia Silla ainsi que par le fragment de Zaïde pour lequel Claus Guth a demandé à la compositrice israélienne Chaya Chernowin d’écrire une suite complémentaire. Il en va de même pour The Fairy Queen de Purcell : en collaboration avec le compositeur Helmuth Oehring, l’artiste a associé aux airs et chœurs baroques des sons contemporains.
Au Theater an der Wien, un cycle Monteverdi a vu le jour. Aux côtés de Verdi et Puccini, le répertoire français est présent avec des œuvres comme Pelléas et Mélisande, Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas et, à Francfort en juillet 2021, Dialogues des carmélites. Pour le répertoire allemand, on peut nommer Fidelio de Beethoven, Fierrabras, opéra rarement donné de Schubert, et l’opérette La Veuve joyeuse de Lehár.
Au début de sa carrière, ce sont surtout les mises en scène d’opéras contemporains qui ont fait connaître Claus Guth. Les créations mondiales comprennent entre autres, en dehors de celles déjà mentionnées, des œuvres de Peter Ruzicka, Beat Furrer, Klaus Huber, Luciano Berio et Pascal Dusapin. Une autre pièce a été créée à l’Opéra national de Paris : Berénice d’après Racine, du compositeur suisse Michael Jarrell, présentée en première mondiale au Palais Garnier en 2018. Cette production est typique d’une autre caractéristique du travail de Claus Guth : son intérêt pour la profondeur psychologique des personnages et des thèmes. « Psychotrip » époustouflant à l’intérieur d’un amour impossible, Bérénice a captivé le public parisien.
Débusquer les nœuds qui relient les personnages d’un opéra aux traumatismes de leur enfance, leurs émotions refoulées jusque dans les ramifications les plus fines, scruter derrière le sujet d’apparence féerique ou mythique ses aspects psychologiques, voilà une des forces de Claus Guth, tout comme son instinct lui permettant de découvrir de telles strates dans la musique. Son regard disséqueur fait alors souvent naître des images poétiques.
Un autre axe important est Georg Friedrich Händel. À côté d’opéras tels que Rodelinda ou Orlando, ce sont les oratorios qui attirent particulièrement Claus Guth. Une œuvre comme Le Messie se transforme en un drame familial saisissant qui nous montre des êtres humains dans des situations limites. Ainsi, les questions existentielles de la faute et de la rédemption et de ce qui arrive après la mort, deviennent aussi urgemment palpables qu’elles l’étaient pour Händel. Saül et Jephta sont deux autres oratorios basés sur des sujets bibliques. Contrairement au Messie, ces oratorios sont chargés d’action. Néanmoins, le rôle du chœur leur confère une dramaturgie différente de celle d’un opéra, offrant des possibilités scéniques qui leur sont propres. Dans Jephta, il suffit de quelques éléments de décor abstraits, comme ces lettres géantes qu’on peut percevoir en tant qu’écriture, mais qui créent également des espaces.
À chaque fois qu’il se lance dans un nouveau projet, Claus Guth pose la question suivante : quel est mon intérêt spécifique pour cette œuvre ? De quoi parle-t-elle au fond ? Ce n’est que lorsque la réponse à cette question indique une direction précise qu’il s’intéresse à sa mise en œuvre esthétique. Ce qui est reconnaissable n’est donc pas tant une esthétique spécifique que l’écoute précise de la musique de chaque œuvre, et l’amour des chanteuses et des chanteurs qui sont finalement la source d’inspiration principale pour ce metteur en scène.
© Elisa Haberer / OnP
07’
Podcast
Podcast Rigoletto
"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique
Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Charlotte Landru-Chandès pour le lyrique et Jean-Baptiste Urbain pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.
Rigoletto de Giuseppe Verdi
Placée sous la direction de Nicola Luisotti, cette nouvelle production de Rigoletto marque la première collaboration du metteur en scène Claus Guth avec l’Opéra de Paris.
01:35’
Vidéo
Imaginaire Rigoletto
Une œuvre du répertoire racontée dans un poème visuel né de la culture populaire
Rigoletto de Giuseppe Verdi à l'Opéra Bastille du 23 octobre au 24 novembre 2021
05:01’
Vidéo
Rigoletto
vu par l’Académie de l'Opéra national de Paris
La nouvelle production de Rigoletto mise en scène par Claus Guth est l'occasion de découvrir l'Académie de l’Opéra national de Paris, qui a pour ambition de promouvoir une nouvelle génération d’artistes, et le travail que ces jeunes artistes réalisent au sein de l’Orchestre.
© Monika Ritterhaus / OnP
Article
Victor Hugo, scénariste de blockbusters opératiques ?
Regard sur Rigoletto
10’
La capacité de Victor Hugo à ourdir une intrigue a très vite été repérée par les maisons d’opéra d’Europe. Celles-ci, comme aujourd’hui les sociétés de production cinématographique, étaient à l’affût du bon sujet qui, donnant lieu à un bon opéra, pourrait attirer les foules.
Victor Hugo, grand inspirateur d’opéras
Dans toutes ses pièces, Victor Hugo n’a pas son pareil dans l’art de multiplier les intrigues qui enchaînent les personnages à l’intérieur de filets se resserrant autour d’eux à mesure qu’ils s’y débattent : Ruy Blas, Marie Tudor, Cromwell, Doña Sol… quasiment tous ses héros sont les victimes malheureuses de machinations et deviennent progressivement conscients de leurs rouages à mesure qu’ils comprennent qu’en sortir est désespéré. Hugo n’a pas son pareil non plus pour ménager des scènes dont l’intensité dramatique est maximale : deux femmes qui aiment le même homme et se retrouvent alliées pour le sauver ; trois hommes aiment la même femme et ourdissent chacun leur vengeance ; un valet aime une reine et ils se perdront tous deux… Chaque drame fabrique des situations qui finiront de manière désastreuse ; un père qui tue sa fille en pensant tuer l’amant qui l’a déshonorée ; une reine envoie à l’échafaud celui qui l’a trompé et apprend in extremis qu’elle a été abusée… À cela s’ajoute l’art de camper des personnages hors du commun : Torquemada, Gwynplain, Quasimodo…, ainsi que celui de la réplique qui fait mouche, ou de la grande tirade où le personnage se retrouve, tragiquement, face à lui-même et à son destin. Hugo sait comme personne construire des situations extrêmes, expressives, où la passion est mise à nu. Toutes ces qualités sont éminemment opératiques.
De fait, le nombre d’opéras inspirés par les œuvres de Victor Hugo est considérable. Il dépasse la cinquantaine, sans oublier, de nos jours, les comédies musicales tirées de ses romans. Mais de tous ces opéras, seuls quelques-uns ont accédé à la notoriété, voire à la postérité ; et dans les deux opéras qu’Hugo a inspirés à Verdi, il faut rappeler que Rigoletto s’est imposé d’une façon beaucoup plus large que Le Roi s’amuse, pièce qui l’a inspiré. C’est rappeler que le bon sujet ne suffit pas à faire un bon opéra, et dire que la rencontre entre Hugo et Verdi est celle de deux monuments.
Leur stature est d’ailleurs comparable : à une dizaine d’années près, ils ont le même âge, et tous deux traversent artistiquement le siècle, en grands témoins. Tous deux sont marqués par l’engagement politique progressiste, Hugo attachant sa vie à la victoire de la République, Verdi à celle du sentiment national italien. Tous deux ont réussi, de manière différente, à incarner le sentiment national d’un pays.
Mettre ainsi face à face deux géants, c’est aussi rappeler que Hugo n’est absolument pas le librettiste -nous pourrions dire aujourd’hui le scénariste- de Verdi. On s’est plu à regretter l’occasion manquée d’une rencontre entre Berlioz et Hugo. Il n’est pas certain que le résultat aurait été si convaincant : Berlioz, certes marqué par le rythme et la rime de l’auteur des Orientales, avait des exigences très précises en matière de texte à chanter et on peut se demander si la collaboration aurait abouti. Verdi, lui, travaillait avec un librettiste professionnel attaché au Théâtre de La Fenice à Venise, Piave, librettiste parfaitement conscient de l’écart entre un vers bien frappé et un vers bien chanté. Cette différence échappait à Victor Hugo : il utilise certes chansons et bruits hors scène d’une façon remarquable dans ses œuvres théâtrales, mais il n’arrive pas à imaginer un alexandrin chanté ; on s’en rend compte en lisant La Esmeralda, l’unique livret d’opéra qu’il a écrit, à partir de son roman Notre Dame de Paris.Verdi dramaturge
Passer d’une pièce de théâtre à l’opéra suppose de ne conserver qu’un tiers du texte original : Debussy fait de même avec Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, comme Poulenc avec Dialogues des carmélites de Bernanos. Cela implique donc un important travail de resserrement de l’intrigue : que faut-il garder ? On mesure très précisément dans ce travail de réécriture le rôle de la musique : celle-ci, en quelques mesures, peut créer une atmosphère qu’il faut des dizaines de vers pour faire exister. En insérant la diction des mots dans un discours orchestral plus vaste, en permettant des confrontations musicales entre personnages qui parlent en même temps (duos, trio…), elle peut faire ressentir profondément l’impact d’une phrase ou d’une situation qui demande d’être étalée sur plusieurs scènes pour atteindre un effet comparable au théâtre.
Mais, à la différence de beaucoup de compositeurs d’opéra de son époque, il est aussi évident que Verdi n’a pas réduit l’apport de Hugo à celui d’un pourvoyeur d’intrigue. Il était clairement conscient du fait que, à travers ces constructions, Hugo apportait, de façon bien plus large, une vision du monde. L’important était, non seulement de s’inspirer des grands moments du texte, mais de conserver, en musique, l’esprit de l’original. C’est là un travail proprement musical qui dépasse la construction en scènes, duos, trios, etc., mais qui cherche à faire ressentir, avec des moyens très différents, ce que l’on pourrait appeler l’élan hugolien spécifique de chaque drame.L’opéra
Le drame
On sait que Hugo se méfiait de l’opéra. Mais c’est au fond la marque du crédit qu’il lui accordait. En 1840, lorsque Lucrezia Borgia avait été représenté au Théâtre Italien, il avait intenté un procès pour contrefaçon à Donizetti, accusant l’opéra de s’emparer de ses sujets. La défense avait avancé qu’entre un opéra musical et un drame théâtral, il n’y avait strictement rien de commun. L’intrigue du drame de Hugo avait, peut-être, fécondé l’opéra, mais tout le reste était original et ne pouvait prêter le flanc à l’accusation de plagiat. Par ailleurs, le drame théâtral et l’opéra avaient deux objectifs fort opposés : le drame cherchait à donner l’illusion de la vie réelle, une peinture de mœurs, une explosion de passions, des idées qui saisissent, des sentiments qui agitent, dans le cadre d’une action. Au contraire, une pièce chantée, travaillant hors illusion réaliste par le fait même qu’elle est chantée, avait pour but de laisser dans la mémoire des airs, une mélodie, une phrase musicale que retient l’auditeur. Un opéra en musique et un drame théâtral, fussent-ils sur le même sujet, étaient donc deux genres n’ayant rien en commun : c’est ce qu’avait soutenu la défense lors d’un procès célèbre.
Or c’est justement cette conception de l’opéra que Verdi combat, et c’est bien ce que Hugo a senti en pensant que l’opéra pouvait parfaitement être le lieu d’une contrefaçon ou d’un plagiat. Au-delà de l’intrigue et de ses potentialités, c’est la volonté d’instituer un autre rapport au réel qui unit bien plus profondément Hugo et Verdi, ce que montre l’écoute musicale que le cygne de Busseto a su faire de l’œuvre du proscrit de Guernesey. Hugo travaille les lieux, les personnages, les temps, pour faire advenir sur la scène un drame, c’est-à-dire, comme il le dit lui-même dans la préface de Cromwell, un « point d’optique » où le monde entier puisse se réfléchir dans sa diversité.Un point d’optique sur le réel
Des mots à chanter
Cet idéal suppose des remaniements profonds dans l’organisation de l’intrigue et de l’action : à la suite de Hugo qui donne toute leur ampleur aux échanges brefs, rapides, Verdi demande à ses librettistes et en particulier à Piave une concentration et une accélération de l’action dans laquelle on ne puisse plus s’éterniser sur des airs typés. L’évolution psychologique sera sensible dans un mot, dans un timbre de voix et surtout dans la juxtaposition des formes de représentation musicale de la parole ou du chant.
C’est peut-être là que se trouve le point de rencontre le plus diffus mais aussi le plus profond entre Hugo et Verdi. Hugo cherche pour ses pièces des mots qui percuteront -mots du quotidien, art de nommer les choses et les événements, métaphores nouvelles et condensées. Verdi, lui, traque l’apparition de la parola scenica, ces mots, qui chantés, manifestent la présence totale, physique comme affective, du personnage dans ce qu’il dit et ce qu’il chante. C’est ainsi que certains mots chantés « claquent » à notre oreille et demeurent dans notre mémoire à égalité avec les bribes mélodiques, ou que le mot « maledizione » que scande Rigoletto nous parvient dans la multiplicité des colorations affectives qui lui donnent sens, à chaque fois que le personnage le redit, le réinvente.Violaine Anger a été productrice à France Musique et France Culture. Après avoir enseigné au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, elle a rejoint l’Université d’Evry Val d’Essonne, l’Ecole polytechnique et l’Ecole professorale de Paris.
Mécènes et partenaires
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Mécène de Rigoletto
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