Mis en scène par Tobias Kratzer pour la première fois en 2020, Faust a véritablement été découvert par le public en 2022. Cette production, revisitée de manière contemporaine, utilise des techniques de son temps : les projections vidéo rythment l’histoire et participent pleinement à la narration. À de l’occasion sa reprise sur la scène de l’Opéra Bastille, Octave a rencontré Mathilde Jobbé Duval, cheffe d’équipe opératrice vidéo-son, qui nous présente plusieurs dispositifs : la caméra live et les projections de face.
Je travaille à l’Opéra depuis 17 ans. Aujourd’hui, je suis responsable de spectacles en tant qu’opératrice son et vidéo. Je n’interviens pas au début du processus de création, mais au moment des premiers filages techniques et des répétitions en scène. Mon travail, avec toute l’équipe, est d’étudier la faisabilité du projet et de mettre tout en œuvre pour qu’il prenne vie. C’est toujours très agréable de participer à des créations parce qu’on travaille vraiment à construire quelque chose avec le metteur en scène et ses équipes.
Pour Faust, le metteur en scène, Tobias Kratzer et le vidéaste, Manuel Braun, ont imaginé un dispositif vidéo ambitieux. Une projection de face sur un tulle couvrant tout le cadre de scène, mêlant des images préalablement créées et des vidéos live.
La plupart des vidéos ont été tournées par drone dans les rues de Paris pendant le confinement. D’autres sont issues de stockshot d’archives. Pour la scène de « La Chevauchée », deux figurants incarnant Faust et Méphistophélès ont tourné les images en costumes sur l’avenue des Champs Elysées, de nuit. Manuel Braun choisit aussi d’utiliser des effets spéciaux pour animer certaines images. C’est le cas du tableau présentant Notre-Dame de Paris en flammes.
Une fois que toutes ces images sont tournées et montées, et que Tobias Kratzer et Manuel Braun ont sélectionné les plans qui apparaissent à l’écran, mon travail consiste à construire la projection et à la rendre la plus réussie possible. J’apporte des corrections de couleurs, d'angles, de recadrage et d'harmonisation des formats. L'essentiel de mon travail est donc préparé en amont du spectacle pour que lors de la représentation, tout s'enchaîne de manière fluide. Puis, pendant le spectacle, je veille au bon déroulement de la diffusion.
L’un des dispositif vidéo le plus utilisé est la caméra live. Les solistes sont filmés en direct par deux cadreurs qui sont deux des figurants jouant les rôles des démons de Méphistophélès. Je suis en contact avec eux pendant toute la représentation pour les aider lors de leurs déplacements et vérifier que le cadre est propre avant d’être projeté live, en fonction du retour caméra que je vois depuis mon poste de régie. Ce dispositif est utilisé dans la scène de « L'air des bijoux de Marguerite », mais aussi dans l'appartement de Dame Marthe ou encore dans le métro.
Je suis aussi en contact avec la stage manager qui me donne les "top". C’est-à-dire qu’elle m’indique les moments exacts auxquels je dois lancer les images, en fonction des repères musicaux. Dans le cas des scènes live, les enchaînements caméra ont été définis à la création avec la première interprète de Marguerite (ndlr: l'interprète en 2021 était Ermonela Jaho et en 2022, Angel Blue). Les deux artistes n'effectuent pas exactement les mêmes mouvements, il faut donc savoir adapter l’enchaînement des
images en fonction de chacune. Cela reste du direct ! Pour résumer, en tant qu'opératrice vidéo, je suis attentive aux mouvements des artistes et la stage manager, à la musique.
La mise en scène de Tobias Kratzer est très lisible, l'histoire est racontée de façon littérale donc les vidéos sont assez réalistes. Bien sûr, certaines scènes sont plus fantasmées que d'autres comme celle de « La Chevauchée ». Mais cela reste de la vidéo de narration, chaque image fait avancer le récit.