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Orphée et Eurydice
Palais Garnier - du 24 mars au 06 avril 2018
Orphée et Eurydice
Christoph Willibald Gluck - Opéra dansé de Pina Bausch
Palais Garnier - du 24 mars au 06 avril 2018
2h20 avec 1 entracte
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Première : 24 mars 2018
À propos
En quelques mots :
Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus !- Pina Bausch
Accueillie comme un événement lors de son entrée au répertoire en 2005, Orphée et Eurydice, pièce majeure de la chorégraphe Pina Bausch, fait revivre avec force l’un des mythes les plus célèbres de la culture occidentale. Sous la forme d’un opéra dansé, la chorégraphe reprend l’oeuvre lyrique de Gluck et explore, dans la plus grande intimité, les liens entre mouvement et chant. Passionnée par ce qui « remue les gens », elle confère ainsi à la partition une humanité troublante, accédant, par la danse, à une vision universelle de l’amour auquel elle offre une incarnation somptueuse.
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Orphée et Eurydice
Opéra dansé en quatre tableaux
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samedi 24 mars 2018 à 19:30
- samedi 24 mars 2018 à 19:30
- lundi 26 mars 2018 à 19:30
- mardi 27 mars 2018 à 19:30
- mercredi 28 mars 2018 à 19:30
- vendredi 30 mars 2018 à 19:30
- samedi 31 mars 2018 à 19:30
- dimanche 01 avril 2018 à 19:30
- lundi 02 avril 2018 à 14:30
- mardi 03 avril 2018 à 19:30
- jeudi 05 avril 2018 à 19:30
- vendredi 06 avril 2018 à 19:30
Dernière mise à jour le 22 mars 2018, distribution susceptible d’être modifiée.
Orphée et Eurydice
Orphée et Eurydice
Orphée et Eurydice
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Orphée et Eurydice - Christoph Willibald Gluck / Pina Bausch
Orphée et Eurydice - « O wenn in diesen dunklen Hainen… »
Coulisses
© Charles Duprat / OnP
Article
Quand Pina Bausch inspire la mode
Entretiens avec Pierpaolo Piccioli de Valentino et Pierre Hardy
05’
Alors que sont à l’affiche cette saison deux pièces mythiques de la chorégraphe – Le Sacre du printemps et Orphée et Eurydice – notre partenaire Numéro a demandé à deux créateurs comment Pina Bausch a exercé une influence sur leur travail.
Pierpalolo Piccioli, directeur artistique de la maison Valentino
Vous avez exprimé dans la presse votre amour de la danse et évoqué, notamment à propos de votre collection automne-hiver 2016, l’influence de Martha Graham. En voyant votre travail, c’est celle de Pina Bausch qui se fait plutôt ressentir.
Pierpaolo Piccioli : Martha Graham disait que « la danse est le langage secret de l’âme ». J’ajouterais que la mode en est la partie visible, la surface qui révèle nos états d’âme profonds. Dans ce sens, on peut considérer que la danse et la mode sont des formes d’art complémentaires, qui entretiennent un dialogue permanent.
Je me sens proche de la sensibilité de Pina Bausch, en effet. Son œuvre a contribué à libérer le mouvement des corps féminins et à libérer leur esprit. Elle a ouvert la danse à de nouvelles potentialités, en appliquant sa propre vision à certaines traditions du théâtre et du ballet. Cette co-existence de l’expérimentation et de la tradition fait partie de ma méthode. J’adopte une approche similaire en réinterprétant l’héritage de la maison Valentino dans mes collections.
Le Sacre du printemps vous a-t-il marqué particulièrement ?
Oui, en raison de la fluidité des mouvements des danseurs, en phase avec les émotions dramatiques. Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai vu cette pièce, elle m’a touché profondément.
Les vêtements jouent un rôle important dans l’œuvre de Pina Bausch. Les femmes portent de longues robes très légères qui leur donnent une allure intemporelle, et qui me rappellent notamment vos défilés haute couture, tissés de références à l’histoire de l’art.
La grâce est une catégorie esthétique qui n’a trait ni au genre, ni à une époque. Saisir le moment où elle se manifeste est un défi pour toute personnalité créative. Les femmes que vous venez de décrire incarnent la plus haute expression de la beauté féminine : puissantes mais fragiles, tourmentées mais délicates.
Son utilisation très symbolique et signifiante des couleurs entre-t-elle en résonance avec votre propre travail chromatique ?
J’aime cultiver un clash entre des énergies éthérées et d’autres plus punk. La couleur est l’instrument le plus puissant pour exprimer ce contraste. L’intensité d’un tissu rouge dialoguant avec la peau nue est un exemple parfait de cette poétique. Les contradictions sont aussi une mise sous tension.
Pierre Hardy, chausseur
Pina Bausch a-t-elle exercé une influence sur vous ?
Dans Café Müller, Meryl Tankard trottine nerveusement sur des talons aiguille mi-hauteur. La chaussure semble dicter la gestuelle du personnage.
Tout à fait. Pina Bausch intégrait totalement la chaussure dans le mouvement du corps. Quelque chose qu’on peut observer dans le quotidien se retrouve théâtralisé, exacerbé. Il en va de même pour les couleurs, qu’elle utilise comme des signes.
Ses pièces se nourrissent de la réalité presque quotidienne du corps social, notamment des rapports complexes des hommes et des femmes. Voyez-vous là un parallèle avec le travail de la mode ?
On dirait effectivement que ses héroïnes sont prélevées dans la rue et, une fois postées sur scène, se mettent tout à coup à danser. Ses pièces exaltent la confrontation du masculin et du féminin, et l’utilisation de “vrais” vêtements, au lieu de costumes de scène, joue là un rôle essentiel. À mes yeux, elle est une sorte de Martin Margiela de la danse, avec cette façon très crue de jouer avec le réel. Je suis aussi fasciné par sa façon de créer une forme d’intemporalité de son discours. On a vu vieillir ses interprètes sur scène et, tout en incorporant le temps biologique, celui du corps, Pina Bausch prenait soin d’extraire les vêtements de la temporalité de la mode, puisqu’on ne saurait dire à quelle décennie ils appartiennent.
© Christian Leiber / OnP
Podcast
Podcast Orphée et Eurydice
"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris"
07’
Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Judith Chaine vous introduit, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.
© BMO
Article
Pureté des lignes
L’Orphée et Eurydice de Gluck traduit par Pina Bausch
05’
En 2005, Pina Bausch offrait au Ballet de l’Opéra national de Paris sa version d’Orphée et Eurydice, imaginée sur la partition de Christoph Willibald Gluck. Dans cet opéra dansé, créé en 1975, la chorégraphe traduisait par le geste l’intensité de la tragédie, alliant avec délicatesse danse et chant. En revenant à l’essence des sentiments, libérant la danse de tout artifice, elle traduisait au plus près les intentions du compositeur.
Depuis sa première représentation en 1762 à Vienne, dans sa version originale italienne, jusqu’à son adaptation en opéra dansé par Pina Bausch en 1975, l’« Orphée » de Gluck aura connu bien des avatars : plusieurs fois repris, modifié, il est témoin de l’évolution des goûts et des pratiques avec les époques ; et pourtant, il porte aussi la marque d’une recherche constante d’authenticité et d’absolu, au-delà des artifices et des contingences.
On connaît les idées réformatrices qui ont conduit Gluck à la composition de son Orphée et Eurydice : rejetant la surcharge d’effets et d’artifices caractéristique de l’opéra à l’italienne, il entend remettre la musique et le chant au service d’une exposition claire du drame et des sentiments et replacer ainsi l’opéra dans son cadre naturel. Dans la première version d’« Orphée », créée en 1762 à Vienne, le livret de Calzabigi est en italien et le rôle principal est tenu par un castrat, mais la sobriété de la ligne de chant et l’illustration au plus près de l’action par la musique, inspirées elles par la tragédie classique à la française dont Gluck était familier, font figure de nouveauté et produisent un effet très vif sur le public.
Si bien que Gluck, installé à Paris dans les années 1770, va vouloir adapter Orphée et Eurydice au public français : il fait traduire son livret en français par Pierre-Louis Moline, ajoute à la partition plusieurs morceaux (dont les airs « Si les doux accords de ta lyre » de l’Amour et « L’Espoir renaît dans mon âme » d’Orphée) et réécrit le rôle d’Orphée pour une voix de ténor. Créée en 1774 au Théâtre du Palais-Royal, cette version parisienne de l’opéra remporte un triomphe, et l’œuvre, définitivement adoptée par la France, restera au répertoire jusque dans les premières décennies du siècle suivant.
À partir des années 1830, toutefois, la vogue à Paris est à Rossini ou Meyerbeer, et l’Orphée de Gluck a disparu de l’affiche. Mais en 1858, le directeur du Théâtre-Lyrique Léon Carvalho veut reprendre l’œuvre : soucieux de la réadapter au goût des Parisiens, il fait appel pour interpréter le rôle d’Orphée à Pauline Viardot, l’idole du public d’alors. Gluck avait initialement conçu le rôle pour une voix de castrat, puis l’avait réécrit pour un ténor : désormais, il s’agit donc de l’adapter à une voix féminine de mezzo-soprano. C’est Berlioz qui effectuera ce travail, en transposant le rôle dans une tessiture équivalente à celle de la version d’origine tout en préservant les modifications et les ajouts dans la ligne mélodique effectués par Gluck pour la version parisienne de 1774. Donnée au Théâtre-Lyrique en 1859, cette troisième version d’Orphée est à son tour un immense succès. Depuis, l’idée de faire jouer Orphée par une femme s’est imposée, et la « version Berlioz » a définitivement supplanté les deux précédentes.
En 1975, la reprise d’Orphée et Eurydice par Pina Bausch marque encore une nouvelle étape dans l’histoire de l’œuvre. La chorégraphe transforme l’opéra en un ballet, sur un livret cette fois en allemand (traduit de la version française), et divisé en quatre tableaux : « Deuil », « Violence », « Paix » et « Mort ». On retrouve dans ces termes la notion de désespoir existentiel que l’on associe depuis ses débuts au style de Pina Bausch : pour elle, les corps doivent se confronter directement à la souffrance, physique et morale, qui se loge au cœur de l’existence, afin de l’accepter et de la dépasser. On comprend en ce sens que Pina Bausch ait fait disparaître le dénouement heureux qu’avait ajouté Moline pour la version française, qui voyait Orphée et Eurydice réunis grâce à la clémence des dieux, et restitué celui d’origine qui s’achève sur la séparation et la mort des deux amants.
De là aussi, plus généralement, une danse qui ne se veut jamais décorative : « La réalité ne peut plus toujours être dansée. […] Je veux dire que les mouvements en sont tellement simples qu’on peut penser que ce n’est pas de la danse. Et pour moi, c’est l’inverse. » Faire de la scène le lieu d’une expression directe des sentiments humains, sans artifices ni fioritures, telle était déjà l’intention de Gluck en son temps ; telle est finalement, par-delà les modifications et les versions successives que l’opéra a connues, la constante de l’histoire d’Orphée et Eurydice.
© Julien Benhamou
Article
Marie-Agnès Gillot fait ses adieux à la scène
Retour en images sur la carrière d’une Étoile
07’
Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris depuis sa nomination en 2004 sur le ballet Signes de Carolyn Carlson, Marie-Agnès Gillot est une artiste aux multiples facettes. Une pédagogue qui a choisi très jeune la voie de l’enseignement en parallèle à sa carrière de danseuse au Ballet de l’Opéra. Une égérie, une inspiratrice mais aussi une femme engagée qui défend de nombreuses causes. Une personnalité de la culture enfin, qui esquisse déjà de beaux projets après la scène du Palais Garnier et de l’Opéra Bastille. Alors qu’elle s’apprête à faire ses adieux dans le rôle d’Eurydice du ballet de Pina Bausch, elle est revenue pour Octave sur des instants de vie emblématiques et s’est racontée en quelques phrases.
J’ai croisé Pina Bausch beaucoup de fois à la cafétéria de Garnier avant de la rencontrer en studio. Puis, elle m’a fait auditionner pour le rôle d’Eurydice….
La particularité du travail de Pina lorsqu’on entre dans l’une de ses œuvres réside dans la singularité du mouvement. Au premier abord, il est agréable à faire. Puis il devient beaucoup plus difficile à exécuter parfaitement. Le moindre détail fait la différence. On pense maîtriser le mouvement alors qu’on est encore loin de l’habiter. Sa fluidité nous fait croire qu’on peut y arriver. Or la danse de Pina, c’est un tout et c’est ça qui est dur. J’ai été la première à être choisie à Paris pour interpréter ce rôle.Signes - Carlson : En 2004, Marie-Agnès Gillot est nommée Étoile sur le ballet Signes de Carolyn Carlson. Elle est la première danseuse de la compagnie à être nommée sur un ballet contemporain
J’ai créé ce ballet avec Carolyn Carlson dès 1997. Il est évidemment très emblématique dans ma carrière tout comme cette chorégraphe, artiste et femme. Je continue de travailler avec elle sur le solo My Dialogue with Rothko, j’ai un grand plaisir à retrouver ces passerelles, très présentes dans son œuvre, avec les arts plastiques (le ballet Signes avait été conçu dans les décors d’Olivier Debré). Elle me transmet le dernier solo qu’elle a créé pour elle, c’est très symbolique.
Je dirais qu’il y a une lignée de sang entre ces femmes et moi. Pina et Carolyn. Leur transmission, leur présence, leur bienveillance aussi m’ont beaucoup portée tout au long de ma carrière.« Je réalise que mes pères sont devenus des maîtres puis des fantômes. »
Balanchine – Robbins – Petit - Forsythe- Ek – Mc Gregor…
Forsythe, Ek, McGregor… ces chorégraphes sont les hommes de ma vie. Je dois aussi citer Roland Petit, Robbins, Balanchine et tant d’autres. J’ai eu la chance de tous les avoir connus vivants (excepté Balanchine bien sûr) et de travailler avec eux. Aujourd’hui, ce sont des grands classiques, des noms devenus légendes, pour moi ce sont avant tout des hommes inspirants, des rencontres, des échanges. Finalement, je réalise que certains de mes pères sont devenus des maîtres puis des fantômes. Le temps passe si vite !
J’ai passé mon DE de professeur de danse dès l’âge de 18 ans. Pour moi, l’enseignement n’est pas quelque chose d’acquis parce que je suis Danseuse Etoile (un Danseur Etoile reçoit le diplôme sans passer l’examen). C’est quelque chose que j’ai souhaité très jeune : transmettre, enseigner. J’ai eu la chance d’être aux côtés de grands maîtres, je suis heureuse aujourd’hui à mon tour de pouvoir transmettre et aider des plus jeunes. Enseigner n’est pas un passe-droit que j’ai, j’ai toujours aimé cela, donner les secrets que j’avais compris, le bon chemin. Je souhaiterais continuer à guider et à accompagner les gens. Les orienter vers la bonne route à prendre. J’ai ainsi créé une Ecole, Orsolina 28, avec un mécène en Italie, près de Turin, j’espère pouvoir ouvrir une annexe à Paris.
Artiste aux multiples facettes : ses collaborations, ses campagnes publicitaires
Une femme engagée
Je me suis très tôt engagée pour les enfants, puis pour le Sida, le Cancer, les femmes… J’ai la chance d’être approchée en tant que personnalité publique pour défendre des causes qui me tiennent à cœur. Je le fais aussi pour des proches touchés par ces maladies. La première cause pour laquelle je me suis engagée compte toujours beaucoup pour moi, il s’agit de « La chaîne de l’espoir ». Des gestes simples finalement, des chirurgiens qui opèrent des enfants…
« Dans la vie, ce qui me fait avancer ce sont les génies et la musique. »
Une personnalité du monde de la culture
Nous avons une offre culturelle très importante en France et particulièrement à Paris. Mais je ne la trouve toujours pas assez « tressée » entre genres et ethnies. Paris est une ville de melting-pot mais la culture n’est pas encore assez révélatrice de cette mixité. Lorsque nous avons, Dimitri Chamblas et moi, présenté une carte blanche au Saló (club éphémère dédié aux cultures alternatives), j’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec des danseurs peu connus, des monstres de talent pourtant. Il y a encore beaucoup de choses à faire pour être tous ensemble. Aujourd’hui on se divise. Je souhaiterais donner plus de cohésion et de sens à tout cela.
© Agathe Poupeney / OnP
Article
Passeur d’âme
Conversation autour d’Orphée avec Dominique Mercy et Stéphane Bullion
09’
En 2012, le danseur Étoile Stéphane Bullion se glissait pour la première fois dans le rôle mythique d’Orphée. Dominique Mercy, fidèle compagnon de route de Pina Bausch l’accompagnait dans cet apprentissage. Créateur du rôle, il assurait un précieux travail de transmission, veillant à préserver l’esprit de la chorégraphe disparue, tout en maintenant un répertoire vivant. Alors que le ballet Orphée et Eurydice est à nouveau à l’affiche du Palais Garnier à partir du 24 mars, Octave retranscrit un entretien croisé entre les deux artistes.
Orphée et Eurydice est une pièce que vous avez, Dominique Mercy, interprétée de nombreuses fois et que vous avez déjà transmise au Ballet de l’Opéra de Paris. Depuis la disparition de Pina Bausch, la question de la mémoire, par ailleurs essentielle au thème de la pièce comme à l’art de la danse, se pose-t-elle différemment ?
Dominique Mercy : Après la mort de Pina Bausch, Brigitte Lefèvre, directrice de la Danse de l'Opéra de Paris m'a proposé de remonter « Orphée ». J'étais à la fois ravi et inquiet car je ne savais pas ce que cela signifiait de faire tout ce travail sans Pina et maintenant je suis heureux d'être ici : cela sert l'idée que Pina Bausch avait de son propre répertoire dont elle a commencé à prendre soin dès 1980. Longtemps, elle a fait deux créations par saison puis une seule afin de pouvoir remonter et rejouer ses pièces. Avec les changements de distribution et les nouveaux danseurs issus d'autres compagnies qui ont apporté une autre énergie, ses pièces ont retrouvé une forme de jeunesse. Elle a su aussi amalgamer et utiliser cette nouvelle énergie pour ses créations car, pour elle, tout se faisait par étape selon un même rythme de vie parce qu'une pièce en impliquait une autre qu'elle choisissait précisément pour former une œuvre qu'elle soutenait. C'était sa manière de ne pas oublier, de ne pas se répéter et de faire comprendre l'évidence et l'importance de l'œuvre en soi pour qu'un répertoire reste vivant.
Stéphane Bullion : Notre troupe est la seule à qui Pina Bausch a transmis des pièces pour qu'elles entrent à notre répertoire et c'est une grande chance ! Chaque instant de répétition est en effet imprégné de ce parfum particulier que j'avais perçu de sa présence quand je l'avais rencontrée sur « Le Sacre ». Le temps de venir mettre une touche finale, elle dégageait quelque chose d'immense qui ne se perd pas car, avec Dominique Mercy comme avec Malou Airaudo, créatrice du rôle d'Eurydice, la danse se donne de danseur à danseur et il ne s'agit pas simplement d'apprendre des pas et de les exécuter.Le fait que la compagnie n’ait pas été dissoute et que l’art chorégraphique de Pina Bausch soit relayé par ses danseurs n’est-il pas le signe immédiat que son art et la vie continuent ?
D. M. : Le jour où la compagnie a appris la disparition de Pina Bausch, nous n'avons eu que quelques heures pour prendre la décision de danser ou pas le spectacle que nous devions interpréter le soir même, et nous avons choisi de le faire. Cela a été, je crois, la première étape dans notre volonté de continuer à présenter ce répertoire pour qu'il continue d'exister dans une étroite collaboration avec la compagnie, plutôt que de penser d'emblée à faire des choses nouvelles, même si ce n'est pas exclu.
S. B. : Le Ballet de l'Opéra de Paris vit sur un répertoire plus ancien mais les ballets de Petipa ne sont pas pour autant des pièces de musée car tout répertoire, qu'il soit classique, moderne ou contemporain est vivant si les interprètes et les personnes qui le transmettent se "nourrissent" des choses de la vie et tiennent compte des personnes et des personnalités des uns et des autres autant que des formes. La transmission, ce n'est pas un "copier-coller" et on ne danse pas Le Lac des cygnes à vingt ans comme à trente-cinq parce qu'entre temps on aura dansé « Orphée » par exemple...
D. M. : J'ai toujours été étonné de cette espèce d'auréole ou de cette connotation muséale dont on entoure la transmission car, selon moi, il n'y a rien de plus vivant que des gens sur un plateau ! Face à chaque interprète, on doit se demander ce qui est le plus intéressant à toucher. Et la base du travail de Pina Bausch était de travailler avec chacun d'entre nous pour toucher l'intention qu'il y a derrière le pas. Je me souviens que lorsqu'elle a créé le rôle d'Orphée avec moi, j'ai commencé à alterner avec un autre danseur pour qui certains passages étaient un peu plus compliqués et cela n'a posé aucun problème à Pina de simplifier car ce n'était pas le plus important pour elle. C'est la même chose aujourd'hui avec son répertoire, rien n'est nécessairement figé, il ne s'agit pas de répéter les pas d'origine mais de retrouver l'esprit de la pièce et si l'intention qui est derrière le pas est là, on peut presque se passer de ce pas !
S. B. : Ce que ne dit pas Dominique c'est que le vocabulaire de la danse classique donne l'impression d'être toujours plus écrit que les autres. Or le langage de Pina Bausch est très écrit et très précis alors qu'on a le sentiment d'une danse extrêmement libre qui serait moins codifiée et qui ne ferait pas partie d'un alphabet. C'est la raison pour laquelle Dominique a tellement d'indications à nous donner, car l'écriture d'une séquence chorégraphique de Pina Bausch fait passer par de véritables contraintes techniques. Si j'arrive à trouver toutes les clés pour danser ce ballet comme il doit être dansé, je sais que je ne serai plus le même danseur !Cette prise de rôle d’Orphée n’est-elle pas un véritable défi à relever quand on sait que, si l’action de la pièce joue la simplicité et la clarté autour des trois personnages –Orphée, Eurydice et Amour – elle laisse Orphée occuper seul la scène quasiment en permanence ? Comment aborde-t-on une telle figure mythologique quand on connaît aussi l’importance de la thématique du regard dans ce ballet ?
S. B. : C'est très agréable de travailler à l'interprétation du rôle d'un ballet qu'on a déjà pu découvrir en tant que spectateur ; et, comme tout le répertoire est fait de versions d'interprétations, je ne cherche pas à être dans la comparaison car sinon je ne monterais plus sur scène et je resterais chez moi ! Je ne compare pas davantage la façon dont j'ai pu aborder d'autres prises de rôle car chaque fois, pour me glisser dans un rôle, j'essaie d'arriver dans le studio en étant le plus neutre, le plus disponible et le plus sincère possible, en me débarrassant de toute idée toute faite. Dans « Orphée », que Pina Bausch a construit avec la musique, chaque pas suit une intention, un mouvement de pensée et il y a toujours une motivation qui vient d'ailleurs que du corps. Quand on a le privilège de « profiter » (au sens noble du terme) de la présence de celui qui a créé le rôle, on ne peut que se dire : « Je ne sais rien et on va tout m'apprendre » pour ne pas prendre un mauvais chemin d'entrée.
D. M. : Il y a en effet quelque chose de très physique et d'instinctif dans la danse qui peut se passer de mots et il faut se donner la liberté de risquer de sentir ce qui se passe autour de soi. Il ne faut pas essayer de trop savoir avant d'essayer de comprendre, comme le dit Stéphane, car ce qui est important, c'est le rôle, c'est Orphée malade d'amour qui suit Eurydice jusqu'aux Enfers pour la ramener à la vie, ce n'est pas de se battre avec une jambe droite qui ne voudrait pas passer devant une jambe gauche, même si, dans notre quotidien, c'est cela qui prend sa place tous les jours : apprendre, remettre en place, découvrir, comprendre où ça va et d'où ça vient... Dans le studio, on vit avec des problèmes à solutionner, des choses et des directions à trouver et même si la danse est un travail harassant, c'est un vrai bonheur. C'est à travers cette écriture et au-delà de l'écriture qu'il y a une forme de liberté à trouver et à retrouver bien sûr... car la mémoire succède moins à l'œuvre qu'elle ne se construit dans le mouvement de formation de l'œuvre. Et puis, quand la pièce commence à être en scène, il y a alors d'autres émotions qui fusent un peu comme dans les sources chaudes.Mécènes et partenaires
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Avec le soutien de l'AROP