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La Sylphide
Palais Garnier - du 01 au 16 juillet 2017
La Sylphide
Pierre Lacotte
Palais Garnier - du 01 au 16 juillet 2017
2h05 avec 1 entracte
À propos
En quelques mots :
Les chemins de l’inconscient sont infinis lorsque la réalité devient trop oppressante et qu’il s’agit d’apaiser les tourments. Saisi de doutes, la veille de ses noces avec Effie, le jeune James voit apparaître en songe la Sylphide, créature évanescente, incarnation de l’idéal féminin et de la liberté dont son mariage pourrait le priver. Créé à l’Opéra de Paris en 1832, La Sylphide de Philippe Taglioni s’inspire pour la première fois du Sturm und Drang littéraire. Les forêts brumeuses d’Écosse offrent un cadre idéal à l’opposition entre le monde réel et un univers inaccessible. Marie Taglioni, vêtue d’un long tutu blanc et vaporeux, interprète le rôle-titre intégralement chorégraphié sur pointes, accentuant le caractère aérien, éthéré et immatériel de son personnage et dessinant la silhouette emblématique de la ballerine. Unanimement salué par la critique et le public à sa création, La Sylphide devait marquer durablement une génération de poètes et écrivains, parmi lesquels Théophile Gautier, futur librettiste de Giselle, avant de disparaître du répertoire à la fin du XIXe siècle. Le ballet est fidèlement remonté par Pierre Lacotte pour le Ballet de l’Opéra en 1972. Depuis, il ne cesse de fasciner par sa délicatesse et ses sortilèges, s’inscrivant comme le ballet romantique par excellence.
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La Sylphide
Ballet en deux actes
D'après Philippe Taglioni
Décors d'après Pierre Ciceri
Costumes d'après Eugène Lami -
samedi 01 juillet 2017 à 19:30
- samedi 01 juillet 2017 à 19:30
- lundi 03 juillet 2017 à 19:30
- mardi 04 juillet 2017 à 19:30
- mercredi 05 juillet 2017 à 19:30
- vendredi 07 juillet 2017 à 19:30
- dimanche 09 juillet 2017 à 19:30
- lundi 10 juillet 2017 à 19:30
- mercredi 12 juillet 2017 à 20:30
- vendredi 14 juillet 2017 à 19:30
- samedi 15 juillet 2017 à 19:30
- dimanche 16 juillet 2017 à 14:30
Dernière mise à jour le 11 juillet 2017, distribution susceptible d’être modifiée.
La Sylphide
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La Sylphide
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La Sylphide - Pierre Lacotte
— Par En partenariat avec France Musique
Coulisses
© Dick Bruinsma
Podcast
Podcast La Sylphide
"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique
07’
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En partenariat avec France Musique
Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Judith Chaine pour le lyrique et Stéphane Grant pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.
03:04’
Vidéo
Dans la peau de la sorcière Madge
Rencontre avec le danseur Alexis Renaud
En 1993, Alexis Renaud, aujourd’hui Sujet, intégrait le Corps de Ballet de l’Opéra grâce à une variation de James dans La Sylphide. Un ballet symbolique dans sa carrière puisqu’à l’aube de son départ à la retraite, il interprète le rôle de la sorcière Madge. Pour se venger de James qui l’a chassé, ce personnage inquiétant et maléfique entraîne par son voile empoisonné la mort de la Sylphide. Octave a suivi le danseur dans sa métamorphose, peu avant son entrée en scène. Rencontre.
© Ann Ray / OnP
Article
La Sylphide, un rêve éveillé
L’École française à l’honneur
09’
Premier grand ballet romantique, La Sylphide avait disparu du répertoire jusqu’à ce que Pierre Lacotte, tel un archéologue, déniche, collecte et reconstitue les pièces du puzzle. Méticuleusement, il redonne vie à un chef-d’œuvre qui continue par son mystère et sa poésie de nous enchanter. En 2013, lors de la dernière représentation de La Sylphide à l’Opéra Garnier, la journaliste Rosita Boisseau avait rencontré le chorégraphe, l’invitant à restituer l’histoire de ce ballet, peu ordinaire.
Quelle est l’importance de La Sylphide dans votre trajet artistique ?
Existait-il d’autres versions de La Sylphide à l’époque ?
« Taglioni était un phénomène et a même donné son nom à des calèches ! »
Dans quelles circonstances avez-vous commencé vos recherches personnelles pour remonter votre version du ballet ?
Quelle surprise particulière vous a réservé ce patient travail d’archéologue ?
Il y a eu une découverte incroyable. J’ai appris que le petit-fils de Marie Taglioni, Auguste Gilbert de Voisins, avait confié au Louvre tout un tas de souvenirs, ses chaussons, son journal…Malheureusement, personne ne savait où se trouvait ce dossier. Grâce à un archiviste, j’ai eu accès aux caves et finalement, après des recherches longues et infructueuses, alors qu’on commençait à s’avouer vaincus, j’ai pointé un endroit en hauteur dans une cave et, miracle !, on a mis la main sur les papiers. C’était incroyable ! Petit à petit, les éléments de mon puzzle, qui a exigé trois ans de recherches, ont commencé à se mettre en place.
Quels types d’indications avez-vous trouvé dans le journal de Taglioni ?
Manquait-il tout de même des pièces dans votre puzzle ?
Oui, évidemment. J’avais la mise en scène, les
décors et le placement du Corps de Ballet ainsi que des morceaux de variations…
Il a fallu reconstruire le tout comme une fresque antique dont il manque des
fragments. J’ai chorégraphié des séquences entières dans l’esprit de l’époque.
Avec beaucoup de sincérité et sans esbroufe. J’ai fait confiance à mon travail
et à mes intuitions. Un exemple : au début de l’acte II, je ne savais pas
du tout comment la Sylphide entrait sur scène. Et puis, il y avait ce rocher
sur le plateau et je me suis imaginé que la Sylphide pouvait apparaître en
glissant sur ce rocher. Quelque temps plus tard, j’ai eu l’occasion d’aller
travailler au Théâtre Mariinski, à Saint-Pétersbourg. J’ai eu accès à certains
documents et j’ai eu la chance de trouver un dessin de la mise en scène qui
montrait la Sylphide en train, précisément, de glisser sur ce fameux rocher !
Quand et comment votre puzzle est-il devenu un spectacle ?
« La danseuse doit tout retenir, planer comme une plume. »
Quelles sont les particularités stylistiques de La Sylphide ?
L’interprétation du rôle féminin exige d’atténuer les sauts, d’atterrir sur le plateau en pliant tellement les jambes que l’on n’entend pas les talons. La danseuse doit tout retenir, planer comme une plume. Un mouvement ne doit pas s’arrêter de façon sèche mais continuer pour que les spectateurs retiennent leur souffle et se recueillent en quelque sorte à la fin du geste. La position du buste est plus penchée en avant que d’habitude ; les ports de bras doivent valoir, comme les décrivait Théophile Gautier, « plus que de longs poèmes ». Ce personnage de séductrice qui rêve est très délicat à interpréter. Pour celui de James, il s’agit de danser un être en extase, qui ne pense plus qu’à une personne et est absent au reste du monde. Il est heureux, amoureux. Ces deux rôles appartiennent à ceux vers lesquels l’interprète doit véritablement monter pour le danser en y allant à fond.
Qu’apportait Ghislaine Thesmar qui a créé le personnage ?
Les petits pas du bas de jambe sont très techniques et doivent aussi être spirituels. Ghislaine apportait ce quelque chose de spirituel dans les mains et les pieds. Elle a su aussi colorer le rôle d’un certain mysticisme. Sa Sylphide avait presque quelque chose de religieux. Elle s’est identifiée à ce personnage en allant le plus loin possible dans sa poésie et sa grâce. À la fin, la Sylphide ne meurt pas, elle s’éteint. De façon très étonnante, les mots des spectateurs ou des critiques pour évoquer le travail de Ghislaine n’étaient pas loin de ceux que la Taglioni a suscité comme, par exemple, « rêve éveillé », « elle ne touche pas le sol » …
Depuis sa création en 1971, vous avez remonté ce ballet dans un grand nombre de pays et avec des danseurs de tous les horizons. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Entretien extrait de « En scène ! », 2013
© Svetlana Loboff / OnP
Article
Le Pas de deux des Ecossais de La Sylphide
Découpage d'un pas : Episode # 4
02’
Déroulé du pas (diaporama)
Le pas en vidéo avec les Premiers Danseurs Muriel Zusperreguy et Emmanuel Thibault, Palais Garnier 2013
© Pauline Andrieu
000:58’
Vidéo
Dessine-moi La Sylphide
avec Hop'éra !
Acte 1
Dans une chaumière d’Écosse, James – assoupi dans un fauteuil, près de la cheminée – attend l’aube du jour qui verra ses noces avec Effie. Se tient près de lui un esprit ailé, une Sylphide, qui le contemple amoureusement et l’éveille d’un baiser. James tente de saisir la vision, mais la Sylphide s’envole.
Arrivent Effie, sa mère et les voisins pour les préparatifs du mariage. Ainsi que Gurn, amoureux – sans espoir – d’Effie.
Une vieille femme, peut-être une sorcière, vient dire la bonne aventure. James la repousse, mais Effie lui tend la main : ainsi la jeune fille apprend avec tristesse que son fiancé ne l’aime pas vraiment, trop absorbé par son rêve de belle inaccessible, et qu’elle épousera finalement son soupirant Gurn. James, furieux, chasse la sorcière. Celle-ci jure de se venger.
Resté un moment seul, James revoit
Acte 2
La sorcière danse avec ses consœurs dans la forêt au clair de lune. La vieille s’affaire autour d’un chaudron d’où elle tire une écharpe vaporeuse. Dans la clairière, des êtres étranges volent d’arbre en arbre. Paraît James, comme un fou, cherchant sa Sylphide. La sorcière, sournoisement, vient lui offrir le voile magique qui lui permettra de retenir cet être insaisissable.
James a retrouvé l’objet de son désir parmi les créatures voletantes.
© Ann Ray / OnP
Article
Dans la forêt
Conte pour adultes
10’
Elle se balance sur une liane, laisse flotter sa robe blanche et planer un parfum de mousse. Elle vit dans une forêt enchanteresse et vient peupler le monde rêvé des petites filles. Qui est-elle cette sylphide que la romancière Astrid Eliard s’amuse à dessiner dans un conte où le merveilleux vient côtoyer le réel.
Parmi toutes les histoires qu’on raconte aux enfants, rares sont celles qui résistent à l’âge adulte. Beaucoup se perdent ; toutes les autres finissent par faire sourire. Et voilà comment le merveilleux - les clefs-fées, les elfes, les fleurs magiques - s’éteint. Avec un petit sourire en coin.
Celle que j’ai réclamée, des années et des années durant, à ma mère sans jamais qu’elle se lasse, a grandi avec moi. Et aujourd’hui, elle me fait l’effet d’un grand chêne, la plus haute cime dans la canopée des rêves. À cause d’elle, je me suis perdue dans des forêts, à la nuit tombée. J’ai pris des risques inconsidérés ; j’ai couru au-devant d’orages qui menaçaient Tronçais, Brocéliande ou Rambouillet. J’ai épié des sangliers qui fouillaient furieusement la terre. J’ai écouté le bruit de la pluie, quand elle a cessé, et qu’il n’en reste plus que des gouttes chutant délicatement des feuilles. J’ai soulevé des pierres qui grouillaient de petits scarabées, rapporté des brindilles, des anémones et des pervenches pour mes herbiers. De retour de ces excursions, j’étais toujours un peu triste de brosser l’humus sous mes ongles ou d’endormir à l’éther les tiques qui suçaient mon sang sur mes bras et mes chevilles. La forêt, déjà, me manquait.
Au début, l’histoire, comme beaucoup d’autres, parlait de princesses, de sorcières-à-chaudron-fumant et de forêts enchantées. Ma mère était douée pour les variantes et les digressions, et c’est ainsi que de potion magique en ogre mangeur d’enfants, elle a fini par me la présenter, perchée en haut d’un frêne, se balançant sur une liane, sa robe blanche flottant dans la brise. Je suis presque sûre qu’elle portait dans ses cheveux une couronne de lierre. Ma préférée. J’ai moins aimé les diamants et les rubans d’or tressés dont on la para par la suite.
Dès lors, les châteaux, les passages secrets, et même ces princes hors-la-loi qui bivouaquaient dans les ronces en attendant de délivrer leur bien-aimée ont cessé de m’intéresser. Je ne voulais qu’elle. J’ai tapissé ma chambre de son image – je passais mon temps à la dessiner, volant d’arbre en arbre -, et tout le jour, j’attendais impatiemment le soir, qu’on me dise tout de ses amours impossibles avec des mortels qu’elle poursuivait jusque chez eux. Beaucoup sont morts, trop sans doute, mais ma mère adorait les achever dans un souffle. Je les trouvais bien faibles, ces hommes, et très en-dessous des noms merveilleux qu’on leur trouvait - Gibraltar, Ventur, Elléon, Théor. Je ne comprenais pas qu’on puisse mourir d’amour si vite, sans même avoir embrassé, et je me disais que je saurais, moi, la retenir, si elle m’apparaissait un jour.
Le temps passa, celui des histoires aussi, et alors, il ne fut plus question que de géographie. Ma mère prenait les choses très au sérieux. Elle m’acheta des atlas – je m’endormais la tête dedans, une main posée sur la page, l’autre serrant vigoureusement ma lampe de poche – elle me dessina des cartes. Elle répondait à toutes mes questions : dans quelle forêt habitait-elle ? Elle en changeait selon les saisons, comme les hirondelles. Quelle langue parlait-elle ? Elle les savait toutes. Est-ce qu’elle pouvait mourir ? Bien sûr, mais pas comme nous, de vieillesse ou de maladie, mais de chagrin, de folie, oui. Est-ce qu’elle pouvait… vieillir ? Elle avait dix-huit ans depuis si longtemps… « Vieillir ? Non, je ne crois pas… », répondait-elle songeuse.
À l’âge où les enfants laissent tomber les fées et où j’aurais dû la quitter, elle est devenue plus réelle que jamais. Bizarrement, mes doutes ont renforcé sa présence, perchée dans les arbres et guettant, souriante et amusée, les promeneurs qui tomberaient amoureux d’elle. Car j’ai douté, beaucoup. Dès qu’un papier me tombait sous la main, je traçais une ligne au milieu et remplissais deux colonnes, séparant ce qui était réel – le chat de la voisine, notre immeuble, notre quartier avec l’école, la boulangerie, les carrefours aux passages cloutés, les abris-bus – de ce qui ne l’était pas – les fantômes (et encore que…), le royaume de l’Atlantide, les bottes de sept lieues. Je ne parvenais pas à lui trouver une place, dans l’une ou l’autre colonne, et elle en changeait souvent, comme elle changeait d’arbre – légère et sautillante. Ça m’allait. Tant qu’elle volait ainsi dans les airs, le fol espoir de son existence m’était permis. J’en parlai cependant autour de moi, à l’école, à Madame Vermeil, mon institutrice, qui ne voyait là que « des histoires de petite fille ».
- Allons, grandis un peu, tu sais bien que les sirènes n’existent pas.
- Sylphides, pas sirènes.
- Oh… peu importe le nom que tu leur donnes…
Elle donna une petite tape sur mon cartable et m’envoya dehors rejoindre les autres qui jouaient à chat ou aux élastiques. Il faisait grand soleil ce jour-là, les marronniers étaient en fleurs, les vacances toutes proches, mais devant le moi le monde devint subitement terne, les jeux des enfants, stupides, leurs rires, idiots. Alors, c’était donc ça la vie ? Ça et rien d’autre ? Il n’y avait rien là-haut, dans les forêts ? Quand je rentrai chez moi, j’arrachai les dessins qui la représentaient sur les murs de ma chambre, je déchirai les cartes que ma mère s’était tant appliquée à dessiner, et contemplai en pleurant les miettes de mon enfance. J’en voulais à ma mère, terriblement. Pourquoi m’avoir menti ? Pourquoi raconter des histoires, si on ne pouvait s’y fier ? Je me serais contentée de ce monde-là, si au moins j’avais su qu’il était si étriqué… j’aurais fait avec, mais là…
- Qui te dit qu’il est étriqué ? m’interrompit ma mère. Le monde ne se résume pas à ce qu’on en voit. Beaucoup de choses demeurent inconnaissables, ce n’est pas pour ça qu’elles n’existent pas.
- Et donc ?
- Et donc n’écoute pas les autres.
On raccommoda les cartes avec du scotch, repassa au feutre indélébile les frontières de son pays, forêts de chênes, de bouleaux, de sapins, forêts à pistes cyclables ou battues par les sentiers, forêts noires, rouges, vert tendre ou vert bouteille, et on partit, enfin, à sa recherche.
On passait pour des randonneuses du dimanche - un peu plus équipées, sans doute. Sac à dos, gourde, boussole, chaussures de marche, casquette, casse-croûte. « On n’oublie rien ? » demandait ma mère avant de claquer impatiemment la porte de la maison. Peu importait la direction qu’on prenait, tant qu’une forêt s’y trouvait. Ma mère les aimait claires, baignées de lumière, je les préférais sombres et épaisses. Côte à côte, sans trop rien dire, on cheminait des heures, du matin au soir. Je marchais la tête en l’air – j’ai appris comme ça à reconnaître les passereaux : mésanges, gobe-mouches ou grimpereaux – espérant trouver la trace d’un jupon blanc flottant dans les airs. Mais souvent ma mère disait avec un air savant : « Elle ne se montrera pas ici », et elle désignait les canettes de bière, les mouchoirs, les sachets de plastique qui jonchaient çà et là le bord des chemins. « Elle vit loin de nous, dans un monde si sauvage qu’on en n’a pas idée. Il faut continuer à marcher ». On ramassait les déchets qui salissaient les forêts – sa maison – et qui, selon ma mère, la tenaient à distance.
Je ne sais pas combien d’années nous marchâmes ainsi, nettoyant les bois. J’amassai un trésor d’objets trouvés : une pièce d’or, une montre, une médaille, des lunettes de soleil, un foulard en soie, mais elle, toujours, se dérobait. Moins je la voyais, plus j’espérais.
Ma mère, elle, vieillit, trop vite. On lui diagnostiqua une maladie qui lui faisait confondre les jours, les saisons, les gens, et lui faisait dire n’importe quoi. J’étais perdue dans son charabia, mais une chose demeurait claire dans son discours si confus : l’histoire incroyable de cette jeune fille de dix-huit ans qui vivait dans les arbres des forêts. Elle en parlait beaucoup, et les infirmières qui s’occupaient d’elle l’écoutaient patiemment, appliquant une main sur son front, comme pour calmer ses ardeurs : « Mais oui, mais oui…. Chhhhhh. »
Jusqu’au bout, je suis restée fidèle à l’histoire de ma mère. C’était peut-être une folie… Bien sûr que c’était une folie, comme de prendre un avion pour la Pologne ou l’Allemagne, parce que ma mère, les yeux vagues, avait posé sa main tremblante sur leur carte, dans un atlas. C’était insensé de poursuivre la quête d’une dame qui paraissait vingt ans de plus que son âge, passait ses journées en robe de chambre, une dame dont aucun médecin n’était capable de dire depuis quand elle avait perdu la tête, mais l’espoir n’est pas raisonnable ou alors il ne vaut pas la peine d’espérer.
Et puis un jour, c’est arrivé. Elle était là. Ma main au feu qu’elle était là, à faire bruire les feuilles d’un chêne dans une forêt d’Ecosse. C’était un matin de juin, le sous-bois était recouvert de violettes grelottant sous la rosée. J’avais dormi à la belle étoile, mon sang était glacé et j’aurais donné n’importe quoi pour un café et un coin de canapé. Je m’enfonçai pourtant là où il n’y avait plus de chemin, plus de sachet en plastique abandonné. La mousse amortissait mes pas et tout était si calme que je crus un instant cheminer dans un rêve. Une biche passa tout près de moi ; je la suivis jusqu’à un ruisseau où elle se pencha pour boire. C’est là que j’entendis fourrager dans un arbre. Il n’y avait pas de vent, et un oiseau, même gros, n’aurait pu remuer si bruyamment les branches. Je levai les yeux, éblouie par les rayons du soleil, aiguisés comme des lames perçant la canopée. Je ne vis pas grand-chose – mais comme m’a dit un jour ma mère, on ne peut résumer le monde à ce qu’on en voit – en revanche, une alliance tombée du ciel rebondit sur mon nez avant d’atterrir sur la mousse. À l’intérieur de l’anneau, il était gravé en italique : « Je t’aimerai toujours ».
À qui l’avait-elle volé ? Ventur ? Elléon ? Qui était mort d’amour pour elle ? J’embrassai l’alliance et la passai à mon doigt. Les histoires qu’on raconte aux enfants ne sont pas toujours celles qu’on croit.
Astrid Eliard
Mécènes et partenaires
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Avec le soutien de l'AROP