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Wozzeck
Opéra Bastille - du 24 avril au 15 mai 2017
Wozzeck
Alban Berg
Opéra Bastille - du 24 avril au 15 mai 2017
1h45 sans entracte
Langue : Allemand
À propos
En quelques mots :
« Nous autres, on a beau faire, on est malheureux dans ce monde‑ci et dans l’autre. Je crois que si on allait au ciel, il faudrait encore qu’on aide à faire le tonnerre ! »Georg Büchner, Woyzeck
Alban Berg découvre Woyzeck de Büchner en 1914. Très impressionné, il travaille à une adaptation du texte théâtral pour en faire un drame lyrique. L’oeuvre est créée à Berlin en 1925 après un nombre de répétitions resté légendaire – 137 –, et acquiert rapidement sa réputation de monument de la musique du XXe siècle. Détachées, fragmentées, les scènes s’y assemblent en une série de tableaux pour conter l’histoire de Wozzeck, simple soldat ayant pour refuge unique l’amour de sa compagne Marie. La fidélité de celle-ci n’est pas à toute épreuve, Wozzeck est hanté par le tourment, gradés et compagnons d’armes n’apaisent rien. La tension continue de cette œuvre profondément romantique unifie ces quinze scènes dont les tonalités complexes peuvent alterner entre accents véristes et puissances d’actions rituelles. Les jeux de citations musicales, le rapport entre atonalité et tonalité y servent une humanité troublante de vérité et l’authenticité d’un drame passé au rang de mythe. Entré tardivement au répertoire de l’Opéra national de Paris, en 1963, Wozzeck trouve dans la mise en scène de Christoph Marthaler une contemporanéité violemment accentuée par le choix d’un décor unique, où les déchirements des hommes se noient dans une sobriété appelée des vœux de Berg.
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Wozzeck
Opéra en trois actes (1925)
D'après Georg Büchner, Woyzeck
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Représentations
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Wozzeck - Alban Berg
Coulisses
© Roger Pic / BMO
Podcast
Berg, Boulez, Barrault, 1963
Entrée de Wozzeck à l’Opéra de Paris
Visuel : Heiner Horn (Wozzeck) et Kieth Engen (le médecin) dans « Wozzeck » lors de l’entrée de l’œuvre à l’Opéra de Paris, en 1963 © Roger Pic / BMO
Vidéo : Ina.fr
03:49’
Vidéo
Mikhail Timoshenko
À l’affiche de Wozzeck et de Rigoletto
Si vous n’aviez jamais entendu Mikhail Timoshenko à l’Opéra, peut-être l’aurez-vous découvert dans L’Opéra, le film de Jean-Stéphane Bron, actuellement sur les écrans. Le réalisateur a filmé l’arrivée du jeune baryton à Paris puis ses débuts à l’Académie. Alors qu’il vient de terminer Les Fêtes d’Hébé à l’Amphithéâtre et qu’il est à l’affiche de Wozzeck (Erster Handwerksbursch) et de Rigoletto (Il Conte di Ceprano), nous l’avons suivi à travers les couloirs de l’Opéra Bastille, entre deux studios de répétition, en lui posant cette question : « En quoi consiste la vie d’un académicien ? »
© Emilie Brouchon / OnP
Podcast
En Quête de Wozzeck
En Quête #03
© Pauline Andrieu / OnP
000:58’
Vidéo
Dessine-moi Wozzeck
avec Hop'éra !
Acte I
Le soldat Wozzeck rase son Capitaine, lequel se moque de lui et lui reproche d’avoir eu un enfant avec Marie hors-mariage. Wozzeck reconnaît qu’il est trop pauvre pour être doté de sens moral.
Wozzeck est plongé dans d’obscures hallucinations. Son ami Andres tente de le calmer, en vain. De son côté, Marie chante une berceuse à son fils. Lorsque Wozzeck arrive, il semble toujours sous l’emprise de ses visions malsaines.
Le soldat sert de cobaye pour les expériences du Docteur et perd de plus en plus la raison.Acte II
Wozzeck semble possédé par l’idée que Marie puisse lui être infidèle.
Lors d’un bal, le Tambour-major danse avec Marie sous les yeux de Wozzeck. Hanté par cette vision, le soldat ne trouve pas le sommeil. Le Tambour-major arrive, ivre, se vante de sa conquête et provoque Wozzeck.
Acte III
Marie lit dans la Bible l’histoire de Marie-Madeleine puis implore la pitié de Dieu.
Wozzeck croit voir une lune rouge se lever et cette vision le fait penser au sang : il tue Marie. Après avoir pris la fuite, il revient sur le lieu du crime et cherche l’arme qui pourrait le trahir. Hanté par ses hallucinations, il entre dans le lac et s’y noie. Le Capitaine et le Docteur entendent ses gémissements mais préfèrent s’éloigner.
Des enfants crient au fils de Marie que sa mère est morte. Le petit garçon ne réagit pas et continue à jouer.
© MARC GINOT
Article
Wozzeck – L’explosion atonale de Berg
Entretien avec Michael Schønwandt
06’
Depuis sa première venue en 1985 au Palais Garnier pour Alceste, Michael Schønwandt est régulièrement invité à diriger l’Orchestre de l’Opéra. Une formation avec laquelle il confie avoir « un lien très fort ». Après y avoir dirigé dernièrement Janáček, Strauss et Berg, déjà, en 2011 avec Lulu, l’actuel directeur musical de l’Opéra-Orchestre de Montpellier revient à l’Opéra Bastille pour la reprise de Wozzeck, dans la désormais classique production de Christoph Marthaler. L’occasion pour lui de nous parler de cette œuvre fascinante et essentielle, qu’il considère non comme « un concert en costume» mais comme « du vrai et profond théâtre ».
Wozzeck est une œuvre qui ne laisse personne insensible. Vous souvenez-vous de votre première écoute ?
On est toujours tenté de qualifier Wozzeck de révolutionnaire. Or Berg disait que son œuvre s’inscrivait non pas en rupture avec l’histoire de la musique mais dans une certaine continuité.
Comment expliquer la postérité de cette œuvre, profondément de son temps et souvent considérée comme le dernier opéra du XXe siècle?
Votre connaissance du répertoire contemporain vous a-t-elle permis de comprendre et de diriger différemment Wozzeck?
Qu’en est-il de l’écriture vocale dans Wozzeck ?
Comment texte et musique s’articulent-ils l’un dans l’autre ?
Un sens du théâtre dont rend particulièrement compte la mise en scène de Christoph Marthaler... Vous connaissiez la production ?
Non, je ne l’avais encore jamais vue. Par contre, je connais bien Christoph Marthaler que j’ai invité plusieurs fois avec sa troupe à Copenhague. J’apprécie beaucoup son travail. Je le trouve extrêmement visionnaire, très musical, drôle aussi. Il introduit souvent des situations inattendues et un brin de folie qui lui est propre… Mais j’imagine que nous sommes tous un peu fous, n’est-ce pas? (rires)
© Pauline Andrieu / OnP
Article
Wozzeck, diamant brut
Le grand chef-d’œuvre d’Alban Berg
08’
« Chaque homme est un abîme, on a le vertige quand on se penche dessus. » Ces mots de Georg Büchner dans Woyzeck pourraient tout aussi bien décrire le sentiment qui nous étreint lorsque nous nous penchons sur l’ouvrage envoûtant d’Alban Berg. Opéra en trois actes composé sur une dizaine d’années, créé fin 1925 à Berlin, Wozzeck s’inspire donc du Woyzeck de Büchner (1813-1837), une pièce de théâtre inachevée tirée d’un fait divers de 1821 : à Leipzig, un ancien soldat, Johann Christian Woyzeck, avait assassiné sa maîtresse Johanna Christiane Woost, veuve d’un chirurgien. L’expertise psychiatrique, le considérant comme responsable de ses actes, avait mené à sa condamnation à la décapitation. Des fragments laissés par Büchner à sa mort et publiés en 1879, Berg tire un récit de quinze scènes réparties en trois actes. Le résultat est un chef-d’œuvre de près d’une heure trente qui, en se nourrissant de la tradition et des expériences modernistes des dernières années, offre une époustouflante synthèse du langage musical.
De Woyzeck de Büchner, écrivain révolutionnaire et médecin emporté par le typhus avant ses 24 ans, on retiendra l’intrigue, froide et cruelle : le soldat Woyzeck, un « pauvre bougre » victime des moqueries de son commandant et des expériences d’un médecin sans scrupule, a pour unique bien l’amour de Marie et l’enfant qu’il a eu d’elle. Mais l’infidélité de Marie s’expose au grand jour ; la lune à la couleur de sang annonce le geste de désespoir et la mort de Woyzeck, qui bascule dans la folie. Berg découvre la pièce en 1914 et remanie le texte, établissant selon ses termes un « tri judicieux parmi les vingt-trois scènes de Büchner, parfois fragmentaires et souvent fort lâchement reliées », pour lui donner la cohérence dramatique qui faisait défaut. Après 137 répétitions, la création de l’opéra connaît un succès inédit qui ne s’est depuis jamais démenti. Certains critiques le proclameront même « dernier opéra du xxe siècle » – Lulu étant resté inachevé. Si une telle œuvre remporte aujourd’hui encore les suffrages du public d’opéra, c’est bien qu’elle constitue un véritable tour de force : allier à une modernité sans concession une intrigue profondément sombre, tout en s’inscrivant dans une universalité dramatique porteuse d’une charge émotionnelle intemporelle.
Wozzeck est avant tout l’enfant du romantisme tardif qui annonce l’expressionnisme : comment ne pas retrouver les préoccupations véristes, telles qu’exposées dans Cavalleria rusticana de Mascagni au siècle précédent, dans cette histoire de jalousie, tragique et sans fard, qui touche des personnages de la classe populaire ? Comment ne pas relier le thème de l’amour déçu, qui pousse à la folie, à celui des grands opéras romantiques, et particulièrement à Carmen, créé en 1875 ? Du côté des figures tutélaires, l’abolition définitive de la différenciation entre airs et récitatifs, mais aussi l’emploi de Leimotive s’inscrivent sciemment dans le sillage de Richard Wagner. Au-delà de certains motifs caractérisant les personnages, l’utilisation quasi-obsessionnelle de la note si à partir de la fin de l’acte II traduit l’état mental de Wozzeck et annonce le meurtre qui va être commis. Le sens de la dramaturgie orchestrale, qui donne à certains moments une couleur de « musique de film » avant l’heure, est hérité de Gustav Mahler, figure adulée, que Berg avait rencontré à plusieurs reprises. Un opéra dans le sillage du Sturm und Drang donc. Mais l’exacerbation est ici le maître-mot : la douleur se crie, les instruments hurlent la folie et le Sprechgesang (« parlé-chanté ») remplace le bel canto.
Mais Wozzeck est aussi et surtout une œuvre de son temps, autant protéiforme que kaléidoscopique. De Richard Strauss, dont Berg a vu huit fois Salomé entre 1905 et 1906, il retient le positionnement moderne, qui passe notamment par la suppression de l’ouverture orchestrale : après quelques accords seulement, le spectateur est ainsi directement plongé dans le quotidien de Wozzeck, rasant la barbe de son commandant sous ses railleries pseudo-philosophiques. Essentielle également la figure de la lune, dont les changements de couleur annoncent, comme dans Salomé, les bouleversements dramatiques. L’esthétique post-romantique du Chevalier à la rose se retrouve, quant à elle, dans l’usage grinçant de danses populaires dans la scène de la taverne ; les spectateurs du « Chevalier » y reconnaîtront l’allusion à la valse « Ohne mich » qu’entonnait Ochs dans le deuxième acte. L’œuvre se permet diverses autres incursions de musique populaire : le chant de chasse d’Andres (acte I, scène 2), la berceuse que Marie chante à son enfant (acte I, scène 3), la musique militaire qui accompagne les apparitions du tambour-major, les chants des ivrognes et des hommes à la taverne (acte II, scène 4). Comme Strauss, Berg esthétise ces musiques tout en gardant certains éléments facilement identifiables, comme l’usage de l’accordéon ou d’un piano désaccordé (« piano bastringue »).
Du courant expressionniste, qui s’étend à partir des années 1910 dans les diverses manifestations artistiques, on retrouve le goût pour l’inouï et la sensibilité à fleur de peau, l’expression sans détour de la violence des rapports sociaux et un intérêt pour les manifestations de troubles psychiatriques ; des éléments qui font écho à la Sancta Susanna de Hindemith, créée quelques années seulement avant Wozzeck… Quant à la dépersonnalisation du système militaire, elle traduit l’expérience de Berg, qui a très brièvement connu la vie de caserne en 1915 avant d’être muté dans les bureaux du ministère de la Guerre. Il écrira à ce sujet : « Il y a une part de moi-même dans ce caractère de Wozzeck, dans la mesure où j’ai passé ces années de guerre totalement dépendant de gens que je haïssais, captif, malade, résigné : en fait, humilié. » Au-delà de l’expérience profondément décevante pour le jeune soldat qui s’était enrôlé avec enthousiasme en 1915, on retrouvera une description toute impressionniste et incroyablement réussie du vent qui souffle dans la chambrée à la scène 5 de l’acte II – un chœur d’hommes qui chante bouche fermée en coulisse.Il y a une part de moi-même dans le caractère de Wozzeck. Alban Berg
De son professeur et ami Arnold Schönberg enfin, Berg retient la technique du Sprechgesang du Pierrot lunaire, mais surtout le langage atonal ; la dissonance domine toute l’œuvre. Les hallucinations dont souffre Wozzeck ne sont pas sans rappeler celles de la protagoniste d’Erwartung, composé en 1909 et créé en 1924. L’orchestre de chambre présent sur scène pour accompagner la rupture entre Wozzeck et Marie (acte II) est pour sa part un hommage direct au maître, l’effectif étant précisément celui de sa Symphonie de chambre op. 9.
L’écriture atonale offre une totale liberté harmonique à Berg, et l’auditeur peinera à trouver les repères auditifs habituels. Mais malgré ce foisonnement musical, l’œuvre est extrêmement structurée, et selon des formes de la tradition instrumentale savante : Suite de danses et pièces de caractère à l’acte I ; mouvements de symphonie à l’acte II ; thème et variations à l’acte III… Autant de procédés d’écriture contraignants, que Berg détaillera dans les conférences introductives qu’il donnera à partir de 1929, mais qui doivent rester presque indécelables pour ne pas perturber l’intérêt du spectateur pour le drame et pour l’expression. Une contrainte stimulante selon Boulez qui écrivait dans Jalons pour une décennie : « Le génie de Berg, c’est cette souplesse, à chaque instant, de la discipline, qui en fait un outil supérieur, préservant l’imprévu de la rencontre et de la circonstance sans risquer l’incohérence ou la dislocation. »
Par tous ces aspects, Wozzeck s’inscrit donc dans une tradition savante de composition, qui remonterait jusqu’à Bach. L’orchestration très fournie, qui fait en outre appel à trois ensembles pour divers moments sur scène, est celle d’un orchestre romantique, intégrant la harpe, la clarinette basse, le contrebasson ou le célesta. À chaque moment de la musique prédomine l’intérêt pour les combinaisons de timbres, et c’est en vain qu’on cherchera une monumentalité jubilatoire. La réussite de Berg réside donc dans l’assimilation parfaite de la tradition au profit d’un style tout à fait personnel et novateur. Du début abrupt à la fin elliptique construite sur un perpetuum mobile, ce véritable chef-d’œuvre n’accorde aucun répit et ne laissera personne indifférent.Mécènes et partenaires
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Avec le soutien de l'AROP