À l’époque baroque – ainsi qu’en témoignent les pièces de Georg Philipp Telemann et Wilhelm Friedemann Bach au programme de ce concert – comme dans la musique d’aujourd’hui, l’écriture en duo impose assez naturellement des procédés de composition spécifiques.

Comment susciter le dialogue entre deux instruments identiques ? Comment les opposer ou les unifier, les distinguer ou les réconcilier ? C’est ce à quoi Telemann répond, par exemple, en imaginant ses six sonates dites « canoniques » – sur le principe du canon –, publiées en 1738 et dont la première inaugure ce concert. Selon la partition originale éditée à Paris, ces pièces peuvent être jouées indifféremment par deux flûtes, deux violons ou deux basses de viole. Wilhelm Friedemann, fils aîné de Bach, aborde la question un peu différemment : dans la série de ses duos de flûtes, il semble faire de la présence d’un instrument miroir l’occasion de densifier le contrepoint, comme aurait pu le faire son propre père. Le jeu consistant alors à imaginer une écriture si dense et si serrée que l’auditeur en perde le sentiment de qui joue quoi et à quel moment…

Composé pour célébrer le 30e anniversaire de l’ensemble L’Itinéraire, Loops III de Philippe Hurel – commande de Musique Nouvelle en Liberté – a été créé le 7 novembre 2003 à Radio France. « Depuis Loops I pour flûte seule (2000), écrit le compositeur, je tente de réutiliser la flûte dans ce qu’elle a de plus immédiat – sa souplesse, sa fluidité et sa virtuosité – en ne faisant appel à aucun mode de jeu, et ceci de façon délibérée. […]

Dans Loops I, le son de la flûte et les techniques de jeu importaient moins finalement que les processus de transformation mis en œuvre. […] Loops III participe des mêmes préoccupations, à la différence près que cette pièce intègre une idée nouvelle. La musique se veut ici délibérément obsessionnelle. En effet, chaque transformation des petits motifs énoncés conduit inévitablement à une boucle qu’on a déjà entendue et l’auditeur est pris peu à peu dans une sorte de toile d’araignée d’où il lui est très difficile de s’échapper. […] Si la musique semble sans cesse en pleine évolution, les étapes que l’on franchit sont toujours les mêmes et c’est sur ce paradoxe que la pièce est construite. » 

Hélène Pierrakos