Composer pour violon et violoncelle pose un défi : comment opérer la fusion entre les deux timbres tout en conservant les jeux de dialogue entre eux ? À cette question, Zoltán Kodály et Maurice Ravel donnent des réponses contrastées.
En 1920, deux ans après la mort de Claude Debussy, la Revue musicale entreprend de lui rendre hommage par un numéro spécial et la commande d’oeuvres à sa mémoire. Ravel écrit pour l’occasion son « Duo » pour violon et violoncelle en un seul mouvement. Il lui en adjoindra ensuite trois autres, pour faire de l’oeuvre une sonate en quatre parties, créée en 1922. Semblant prolonger l’intention affirmée par Debussy à la fin de sa vie de composer « Six sonates pour divers instruments, par Claude Debussy, musicien français » – par laquelle il ne cachait pas son antigermanisme –, Ravel réalise lui aussi, avec sa sonate, un travail original vis-à-vis de la tradition allemande : d’abord par une formation instrumentale peu ordinaire, puis en prenant le parti, dès le début de l’oeuvre, de faire quasiment coïncider les tessitures, le violon jouant dans le grave et le violoncelle dans l’aigu. À partir de cet état gémellaire, Ravel explore tous les modes polyphoniques possibles, travaillant ce double matériau de façon théâtrale et subtile.
Si Kodály est, avec Béla Bartók, l’un des deux plus grands représentants de la musique hongroise dans la première partie du xxe siècle, il est aussi, bien davantage que son compatriote, le promoteur d’une renaissance de l’identité musicale spécifiquement hongroise. On remarque dans sa production une profusion de pièces revenant aux sources populaires, mais dans une technique polyphonique de haut vol. Commencé à Budapest et terminé dans les Alpes suisses, le Duo pour violon et violoncelle op. 7 date de 1914. Le compositeur commenta la forte impression qu’avait produite sur lui la contemplation du gigantisme des montagnes, dans le pressentiment d’une guerre imminente… « Le jour de la déclaration de guerre, écrit-il, je résidais à Zermatt et l’entière conception de ce duo m’apparut de façon soudaine. Je n’avais encore jamais écrit pour une telle formation. » L’oeuvre ne sera éditée qu’en 1922, l’année même de la création de la Sonate de Ravel pour les mêmes instruments.
Hélène Pierrakos
