À l’heure du déjeuner, des musiciens de l’Orchestre et des artistes des Chœurs de l’Opéra national de Paris vous proposent des concerts précédés d’introductions.

La sonate pour violon et piano dite « F. A. E. » est un objet musical hors-norme, résultant d’un étonnant projet collectif. En octobre 1853, Robert Schumann, Albert Dietrich (compositeur et chef d’orchestre) et Johannes Brahms décident d’une composition commune, à l’intention du violoniste Joseph Joachim. Les trois lettres du titre forment l’acronyme de la devise de Joachim : « Frei, aber einsam » (« Libre, mais solitaire »), et la suite de notes à laquelle elles correspondent dans la notation allemande (F pour fa, A pour la et E pour mi) revient de façon plus ou moins voilée tout au long de l’œuvre. Brahms compose le Scherzo de cette sonate.

Le chant est fondateur dans l’œuvre de Brahms : une multitude de lieder et de pièces chorales l’atteste et l’ancrage de la mélodie dans la texture de ses pièces de musique de chambre, de piano et d’orchestre est l’un des outils les plus puissants de son art. Les quatre lieder ici interprétés au violoncelle forment une sorte de portrait du musicien. Feldeinsamkeit (Solitude dans les champs) travaille l’idée du temps suspendu et d’une contemplation bien- heureuse, tandis que Minnelied (Chant d’amour) déploie encore davantage ce sentiment d’harmonie avec la nature. Wiegenlied (Berceuse) est l’un des lieder les plus célèbres de Brahms, avec son balancement rêveur. Quant à Wie Melodien zieht es mir (Comme des mélodies, cela m’attire), le lied le plus lyrique des quatre, il se prête idéalement à la transcription.

Œuvre de jeunesse qui est également un coup de maître : ainsi pourrait se définir le Trio en si majeur op. 8 de Brahms. Composé à l’âge de 20 ans, au cours de l’hiver 1853-1854, il appartient à la période qui voit le lien du jeune Brahms avec Robert et Clara Schumann. Avec cette œuvre marquée par un étonnant alliage d’élan mélodique et de sens architectural, on entre dans un paysage ample, tour à tour lumineux (comme le thème qui inaugure le premier mouvement) et mélancolique, fantasmagorique (Scherzo), marqué presque continûment par l’esprit du lied (en particulier dans l’Adagio) et d’une très grande plénitude. La poésie qui marque l’invention mélodique est celle d’un rêveur, promeneur et solitaire, comme les portraits de Brahms par ses amis ou par la postérité nous l’ont fait découvrir.