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IX. La Fabrique de l’opéra

IX. La Fabrique de l’opéra

Patrice Chéreau et l’opéra : une relation ambivalente

Patrice Chéreau a toujours entretenu des relations conflictuelles avec l’opéra. À de nombreuses reprises, il a déclaré vouloir lui tourner le dos définitivement, déplorant un temps de répétition toujours trop court, ou des conditions de reprises souvent trop rigides. Il estimait que l’opéra était « une machine trop lourde », et son public trop conservateur. Mais la confrontation avec la musique n’en restait pas moins l’occasion d’un « travail formidable », source de grandes joies qu’il reconnaissait lui-même. En 2013, le metteur en scène avait d’ailleurs le projet de monter Moïse et Aaron d’Arnold Schönberg à l’Opéra de Paris pour l’ouverture de la saison 2015, et songeait à Boris Godounov de Modeste Moussorgski.  

Diriger les chanteurs

La grande révolution apportée par Patrice Chéreau à l’opéra fut d’y faire pénétrer le théâtre en dirigeant les chanteurs comme de véritables comédiens, ce qui n’était pas toujours dans les habitudes des maisons lyriques. Avant même les répétitions au plateau, il effectuait une importante analyse du livret, un travail « à la table » et sans musique, qui pouvait parfois se révéler déstabilisant pour les chanteurs. Les notes qu’il prenait ensuite sur le vif des répétitions apportent un témoignage précieux sur l’ampleur du travail engagé pour obtenir que les personnages soient incarnés avec la plus grande vérité. Sa direction d’acteurs, centrée sur le corps de l’interprète, s’effectuait toujours dans une proximité physique très étroite avec les chanteurs.  

Musique et mise en scène

Au cours de son parcours à l’opéra, Patrice Chéreau a développé une réflexion approfondie sur les liens à tisser entre la ligne musicale indiquée par une partition et l’action scénique qui se déroule sur un plateau. Refusant de systématiquement « suivre la musique », il proposait parfois d’aller jusqu’à la contredire, montrant sur scène un aspect du drame détaché de la narration sonore. À son sens, l’action sur scène devait aussi provoquer la musique : la situation jouée par les interprètes devait rendre « nécessaire » la prise de parole chantée.

Parmi les chefs d’orchestre avec lesquels Patrice Chéreau a travaillé, Pierre Boulez, Daniel Barenboim et Esa-Pekka Salonen restent des interlocuteurs d’exception. Leur connivence intellectuelle a profondément marqué les grandes étapes du parcours de Chéreau sur la scène lyrique. S'ils ont chacun souligné la sensibilité indéniablement musicale du metteur en scène, ils n’en partageaient pas moins sa conviction que l’essence de l’opéra était théâtrale.  

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