Si
Samson et Dalila trouve son inspiration dans la Bible, Saint-Saëns prend une certaine distance, une certaine liberté vis-à-vis de
l’épisode biblique : il l’aborde sous un angle profondément humain. C’est
cette humanité que Damiano Michieletto s’attache à souligner dans sa mise ne
scène. La photographe Éléna Bauer a capté l'atmosphère du spectacle en train de se faire. Commentaires
du metteur en scène.
Dans l’opéra de
Saint-Saëns, le spectateur n’est jamais témoin de la prodigieuse force physique
de Samson, pas plus qu’il ne voit la fameuse scène lors de laquelle on lui
coupe les cheveux. Le compositeur occulte les motifs les plus connus du mythe
pour se concentrer sur ses interstices : sur le conflit intérieur de
Samson, déchiré entre l’amour d’une femme et son rôle de leader spirituel d’un
peuple.
Dalila est-elle
coupable de trahir Samson ? Je m’efforce de ne pas émettre de jugement
moral qui risquerait d’appauvrir mon interprétation de l’ouvrage. Dalila est un
personnage complexe. Elle n’est pas animée par la cupidité : elle refuse
l’or que lui propose le Grand Prêtre en échange de sa complicité. Elle évoque
le passé : Samson est le seul homme à l’avoir éconduite – à trois reprises
– et il continue de lui résister en ne voulant pas lui révéler la source de sa
force...
Le duo d’amour entre Samson et Dalila est bouleversant. Samson va jusqu’à se renier, jusqu’à oublier qui il est. Dans ma mise en scène, au lieu de révéler son secret, il finit par se couper lui-même une mèche de cheveux, renonçant délibérément à sa puissance et à son statut de leader. Au moment où Dalila le comprend, quelque chose change en elle. Elle devient plus ambiguë encore.
Le dernier protagoniste du
drame – et sans doute le plus important – c’est bien sûr la communauté. J’ai
préféré ne pas mettre d’étiquette sur les Hébreux, se bornant à les définir par
leur condition : esclaves. Il s’agit d’un peuple oppressé. J'ai choisi de
traiter les Hébreux et les Philistins dans une esthétique résolument
contemporaine, afin que le mythe soit davantage connecté à notre réalité et à
nos émotions. Toutefois, au moment de la Bacchanale, les Philistins se déguisent
et revêtent des habits de péplum : comme un saut dans le temps. Cette
foule incarne alors une société corrompue, qui célèbre la puissance et la
sagesse mais n’en est pas moins fondée sur la violence et l’humiliation, comme
dans les arènes antiques où les gladiateurs étaient tués et leur sang versé pour
distraire le public.
Samson et Dalila
Dirigée par Philippe Jordan, cette nouvelle production marquait le retour à l’Opéra national de Paris de ce chef-d’œuvre du répertoire...