À l’occasion de la pause estivale, nous vous proposons un regard rétrospectif sur la première saison de Stéphane Lissner à l’Opéra national de Paris. Chanteurs, metteurs en scène, scénographes… 2015-2016 a marqué les débuts à l’Opéra de Paris de nombreux artistes de premier plan. Retour sur une saison-manifeste.
Et la Folie s’empara du Palais Garnier…
Il faut croire que cette production de Platée mise en scène par Laurent Pelly est indémodable : saison après saison, on la retrouve avec le même plaisir. Plus encore, elle réussit toujours à nous surprendre et à nous arracher des éclats de rire. Il faut dire que cette fois, le spectacle pouvait se prévaloir de la présence de Julie Fuchs, soprano nouvelle génération qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris et nous a comblés par son interprétation de la Folie.
Et Romeo Castellucci se confronta à Moses und Aron…
L’événement inaugural de cette saison a incontestablement été Moses und Aron de Schönberg donné pour la première fois à l’Opéra Bastille. Metteur en scène, auteur de spectacles au théâtre et à l’opéra qui sont autant de chocs visuels, l’Italien Romeo Castelluccis’est confronté à cette fable biblique sur l’errance d’un peuple et les limites de la parole. Le terme de « confrontation » n’est pas de trop lorsque l’on sait la place qu’occupe l’image dans l’esthétique de Castellucci, place qu’interroge précisément Schönberg dans son opéra. De cette opposition dialectique entre un artiste majeur d’aujourd’hui et l’une des œuvres les plus fascinantes du XXe siècle est sorti un geste artistique mémorable, un manifeste esthétique : sur la vaste scène de l’Opéra Bastille, s’est étendu un désert – d’abord blanc puis maculé de noir – jusqu’à faire disparaître les artistes des Chœurs, cependant que les notes de Schönberg résonnaient implacablement.
Autre temps fort de la saison, cette double soirée réunissant Le
Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók et La Voix humaine de Francis
Poulenc dans une mise en scène de Krzysztof
Warlikowski. Le metteur en scène polonais n’en était pas à son coup d’essai à
l’Opéra de Paris. De lui, on se souvient d’Iphigénie en Tauride(repris la saison prochaine), de L’Affaire Makropoulos ou encore du Roi Roger… Pour
son grand retour, il s’est attaché à tisser des liens dramaturgiques étroits
entre l’opéra de Bartók et la tragédie lyrique de Poulenc. Le résultat de ce
« double bill » est un objet théâtral et
musical étrange et fascinant, une expérience intense pour le public. Sous la
baguette d’Esa-Pekka Salonen, la soprano
canadienne Barbara Hannigan fait ses débuts à l’Opéra de Paris et nous livre une
interprétation incandescente de l’amante passionnée et suicidaire de La Voix
humaine : elle se consume littéralement sur scène d’un feu qui ne
s’éteint que sur les derniers accords de Poulenc.
Et Faust quitta la Terre pour Mars…
Pour ses débuts à l’Opéra de Paris, le metteur en scène letton Alvis Hermanis s’est emparé du mythe de Faust et en a fait une relecture très contemporaine : s’inspirant du projet « Mars One » qui entend coloniser la planète Mars, voyant dans le cosmologue Stephen Hawking le digne héritier du savant, il a imaginé une mise en scène où le pacte du savant avec le Diable devient un aller simple vers la Planète Rouge. Sous la direction musicale de Philippe Jordan, Jonas Kaufmann, Bryan Hymel, Bryn Terfelet Sophie Koch composaient un plateau vocal de premier ordre.
Et Rosina se libéra des griffes de Bartolo…
Rarement un spectacle aura trouvé casting plus parfait : à
l’occasion de la reprise du Barbier de Séville dans la mise en scène
électrisante de Damiano Michieletto,Lawrence Brownlee et Pretty
Yende ont prêté leurs voix au Comte Almaviva et à Rosina. La soprano sud-africaine, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, a
composé sur scène une Rosina puissante que son barbon de tuteur Bartolo avait bien du mal
à retenir captive… Elle sera de nouveau à l’affiche de l’Opéra dans le
rôle-titre de Lucia di Lammermoortandis
que Damiano Michieletto revient la saison prochaine pour une nouvelle mise en
scène de Samson et Dalila à découvrir dès le 4 octobre.
Metteur en scène unanimement célébré de New York à Salzbourg, Claus Guth n’avait jusqu’alors jamais eu l’occasion de réaliser une mise en scène
pour l’Opéra de Paris. C’est chose faite avec ce Rigoletto, pour lequel
il nous a livré, comme à son habitude, une vision glaçante et chirurgicale qui
fait de Gilda, la fille du bouffon, l’objet de tous les fantasmes :
l’occasion pour Olga Peretyatko de faire des débuts remarqués à l’Opéra de Paris aux côtés de Quinn Kelsey. Une production qui sera reprise dès la saison prochaine.
Et Lear fut créé en version originale au Palais Garnier…