Felipe Sanguinetti

Opéra

Nouveau

La Damnation de Faust

Hector Berlioz

Opéra Bastille

du 08 au 29 décembre 2015

2h40 avec 1 entracte

La Damnation de Faust

Opéra Bastille - du 08 au 29 décembre 2015

Synopsis

"Qui donc es-tu, toi dont l’ardent regard pénètre ainsi que l’éclat d’un poignard, et qui, comme la flamme, brûle et dévore l’âme ?"

- La Damnation de Faust, Partie II, scène 5


« Le merveilleux livre me fascina de prime abord ; je ne le quittais plus ; je le lisais sans cesse, à table, au théâtre, dans les rues, partout. » C’est ainsi que Goethe, dont le compositeur découvrit le Premier Faust en 1828, rejoignit Virgile et Shakespeare pour former la Trinité berliozienne. Sans reprendre haleine, il mit en musique les fragments versifiés de la traduction en prose de Gérard de Nerval, qu’il publia sous le titre de Huit scènes de Faust. Et lorsqu’il décida, dix-huit ans plus tard, de reprendre et de développer ce matériau dans La Damnation de Faust au cours d’un voyage « en Autriche, en Hongrie, en Bohême et en Silésie », une même fièvre s’empara de lui.

« Une fois lancé, je fis les vers qui me manquaient au fur et à mesure que me venaient les idées musicales. Je composais la partition quand je pouvais et où je pouvais ; en voiture, en chemin de fer, sur les bateaux à vapeur ». Comme porté par « le désir d’un cœur trop vaste et d’une âme altérée d’un bonheur qui la fuit », Berlioz se confond avec sa création : car cette voix invoquant la « nature immense, impénétrable et fière » est absolument la sienne, dont l’ampleur inouïe excède les formes traditionnelles, entre rêve d’opéra et de symphonie. Révéler la théâtralité de cette « légende dramatique » est un défi constant, que le metteur en scène Alvis Hermanis a accepté de relever. Dirigé par Philippe Jordan, ce premier volet d’un cycle Berlioz qui se poursuivra sur plusieurs saisons, marque le retour de Jonas Kaufmann et Bryn Terfel à l’Opéra national de Paris.

Durée : 2h40 avec 1 entracte

Artistes

Légende dramatique en quatre parties (1846)

D'après Johann Wolfgang von Goethe Traduit par Gérard de Nerval En langue française

Équipe artistique

Distribution

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris

Surtitrage en français et en anglais
Conception synthèse vocale par Greg Beller

Galerie médias

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Podcast La Damnation de Faust

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"Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris" - en partenariat avec France Musique

07 min

Podcast La Damnation de Faust

Par Judith Chaine, France Musique

  • En partenariat avec France Musique

Avec « Dansez ! Chantez ! 7 minutes à l’Opéra de Paris », nous vous proposons des incursions originales dans la programmation de la saison à la faveur d’émissions produites par France Musique et l’Opéra national de Paris. Pour chacune des productions d’opéra et de ballet, Judith Chaine pour le lyrique et Stéphane Grant pour la danse, vous introduisent, avant votre passage dans nos théâtres, aux œuvres et aux artistes que vous allez découvrir.    

© JF Leclercq

Un compositeur visionnaire

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Philippe Jordan parle de La Damnation de Faust

06 min

Un compositeur visionnaire

Par Philippe Jordan

Œuvre tout à la fois abstraite et visionnaire, symphonie autant qu’oratorio, La Damnation de Faust éveille au tréfonds du mythe romantique des interrogations philosophiques universelles. Berlioz lui-même, compositeur face à son œuvre, hanté par la question de la création, offre avec La Damnation de Faust une partition aussi fascinante qu’exigeante.


Une partition visionnaire

Avant Wagner, Berlioz a eu la vision d’un théâtre invisible. Avec La Damnation de Faust, il envisage une forme d’art qui tente toujours plus de s’abstraire des histoires à raconter, pour mettre au-devant de la narration, une croyance très forte – et très abstraite – en l’être humain. C’est l’homme que le compositeur place au centre de son art, non les histoires. Il y a certes Marguerite et Faust, mais plus que cela, il y a le désir de l’être humain de contrôler la nature, de ressentir la divinité. Cet aspect créatif de l’homme correspond bien sûr à Berlioz qui, comme dans la Symphonie fantastique, s’identifie à la figure centrale de l’œuvre. Chaque partie de La Damnation de Faust est un tableau différent de cette recherche de la création : la nature, la science, mais aussi le plaisir, l’amour parfait et la divinité – que Faust chante dans l’invocation à la nature. Berlioz choisit en somme de peindre l’homme sous quatre aspects qu’il condense dans la figure de Faust. Entre terre, ciel et enfer, l’homme passe des besoins les plus primaires à la quête spirituelle la plus incandescente. Ce sujet en lui-même n’est pas théâtral. C’est pour cela que Berlioz cherche une forme différente, et qu’il sous-titre son oeuvre légende dramatique en quatre parties. Il s’agit d’une symphonie avec voix, mais aussi d’un drame, de la vision imaginaire d’un sujet trop humain pour être véritablement narré. 



Un génie de l’orchestration

Ce que Mozart est pour la mélodie, Beethoven pour la forme, Bach pour le contrepoint, Berlioz l’est pour l’orchestration. Une symphonie tient de l’œuvre visionnaire, c’est une musique abstraite. Ainsi Berlioz s’est-il projeté dans cette forme avec bonheur, mais non sans interroger son lien au texte – particulièrement à travers l’invention du poème symphonique (La Damnation de Faust cultive des rapports très nets avec ceux-ci : Lelio, et plus encore Roméo et Juliette). Dans la recherche de sonorités que mène Berlioz pour l’orchestre, il y a une volonté de jouer avec les extrêmes. Ainsi Berlioz fait-il aussi bien entendre la simplicité de la nature au début de « La Damnation » que le caractère martial de la marche hongroise ou l’infernal Pandémonium à la toute fin de l’œuvre – avec les quatre bassons rejoints par l’ophicléide ou le galop des violons marquant cette course à l’abîme –, et il s’attache dans la même œuvre à la souplesse et la finesse qui, dans l’air de Marguerite, font songer aux Nuits d’été. Le jeu sul ponticello pour accompagner Méphistophélès ou le traitement du Menuet des follets à trois piccolos – très moderne pour l’époque et qui a dû beaucoup déranger alors – montrent à quel point chez Berlioz, la complexité se trouve extraordinairement logée dans la simplicité.

Comme Beethoven, Berlioz écrit de manière assez instrumentale pour les voix, de sorte que ce sont des partitions difficiles à chanter. Le chœur est traité d’une façon assez complexe mais il correspond aussi très bien au traitement des voix orchestrales. Berlioz accorde une précision extrême aux nuances – il est en cela plus « tatillon » encore que Wagner : il peut aller jusqu’à 4 « p » dans les nuances pianissimi, ce qui est totalement nouveau pour l’époque. Au fond, Berlioz exprime à travers son écriture orchestrale une recherche de l’extrême pour faire sonner l’univers. En cela, le choix du mythe de Faust est un choix très naturel. Ce génie de l’orchestration a ensuite influencé Liszt et Wagner, et la Faust-Symphonie de Liszt n’aurait pas existé sans La Damnation de Faust.



Scènes de Faust

Le mythe de Faust a souvent été revisité par leS musiciens et, d’une lecture à une autre, les mises en regard des différentes conceptions de l’œuvre de Goethe permettent des mises en perspective importantes. Les Scènes de Faust de Schumann, par exemple, sont une sorte de miroir allemand de La Damnation de Faust : on retrouve à la même époque un même type d’orchestration, mal comprise par les musiciens et par le public. Schumann, comme Berlioz, a choisi des scènes différentes dans l’œuvre, d’où ce titre très explicite des Scènes de Faust. Sous cet angle, les deux œuvres se ressemblent, sauf que l’on perçoit deux cultures différentes et que le Français a malgré tout une vision très théâtrale des choses tandis que chez Schumann, c’est le côté humaniste, plus proche de la deuxième partie du Faust de Goethe qui ressort. Chez Schumann, la rédemption est plus importante que dans la vision française, qui est elle plus latine et plus catholique. Chez Schumann, Méphistophélès est très noir, très sombre, tandis que Berlioz ou Boito réservent à ce personnage flamboyant des scènes comiques. Schumann, lui, refuse de nous faire rire. Au XXe siècle, Busoni parvient à fédérer l’ensemble de ces aspects avec son Doktor Faust. Chez Gounod, en revanche, le sujet central est Marguerite. Dans ce cas, il s’agit moins d’interroger l’existence humaine que de raconter une histoire. Chez Berlioz, au contraire, quand Faust invoque la nature à la fin de l’oeuvre, il en est venu à une recherche du Tout, bien différente du rapport à la création que ses premières paroles laissaient entendre. Il ne s’agit plus d’une nature simple et immédiatement accessible, mais d’une recherche spirituelle bien plus vaste et profonde, dans laquelle le personnage de Marguerite est finalement oublié.

À l’image de cette « nature immense » dont l’invocation change à mesure que le personnage évolue, La Damnation de Faust, en un subtil et continu crescendo, mène l’auditeur vers une unité toujours plus grande. Elle finit par donner sens à l’abstraction de cette œuvre faite de scènes détachées et acquiert, dans cette complexité, une qualité et une profondeur qui en font à mon sens l’une des plus intéressantes de Berlioz.


Philippe Jordan est Directeur musical de l'Opéra national de Paris.

© Éléna Bauer / OnP

Portfolio | Qui est le Faust du XXIe siècle ?

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La Damnation de Faust en répétition

05 min

Portfolio | Qui est le Faust du XXIe siècle ?

Par Simon Hatab

Malgré la place considérable prise dans nos sociétés par la science et les connaissances positives, nous continuons à avoir une soif inextinguible de mythes pour éclairer notre présent. Faust – qui est sans doute avec Don Juan le mythe par excellence du XIXe siècle – semble nous donner, par sa structure même, une preuve éclatante de cette survivance : Faust finit damné, la science meurt à travers lui mais le mythe lui survit.

Alors qu’il lui revenait la tâche délicate d’imaginer une nouvelle mise en scène de La Damnation de Faust, sous la direction musicale de Philippe Jordan, Alvis Hermanis a cherché une figure contemporaine en laquelle il pourrait transposer ce mythe et lui donner un corps. Il l’a trouvée en Stephen Hawking, scientifique de génie à travers le regard duquel il a relu la légende dramatique et discontinue de Berlioz. La photographe Éléna Bauer a capté l’ébullition du spectacle en train de se faire.


Sophie Koch (Marguerite), Dominique Mercy (Stephen Hawking)
Sophie Koch (Marguerite), Dominique Mercy (Stephen Hawking)

À 73 ans, pour les millions d’admirateurs qu’il compte à travers le monde, Stephen Hawking est considéré comme l’un des plus grands scientifiques encore en vie, sinon le plus grand : l’héritier légitime d’Albert Einstein. Comme lui, il a poursuivi le rêve de découvrir la Théorie du Champ Unifié, ou Théorie du Tout, le Saint-Graal de la physique moderne qui permettrait de décrire par une même formule la totalité des forces régissant notre Univers, depuis les interactions microscopiques jusqu’aux mouvements des astres et des galaxies.

De Faust à Hawking s’exprime une même soif de savoir. À plusieurs reprises, Hawking s’est déclaré athée, considérant que le paradis n’était qu’une histoire que l’on raconte aux enfants qui ont peur du noir. Pourtant, lorsqu’il évoque la Théorie du Tout, il a cette formule aussi faustienne qu’ambiguë : « Si nous parvenons à compléter cette théorie, ce sera le triomphe ultime de la raison humaine : nous aurons réussi à percer la pensée de Dieu. »


Dominique Mercy (Stephen Hawking), Alvis Hermanis (mise en scène)
Dominique Mercy (Stephen Hawking), Alvis Hermanis (mise en scène)

La libido sciendi sans limites de Hawking est d’autant plus prégnante qu’elle contraste douloureusement avec son corps malade : à la fin de ses études, on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique, forme de neurodégénérescence rare et incurable, qui évoluera inexorablement tout au long de son existence jusqu’à le laisser entièrement paralysé. Il doit utiliser un fauteuil roulant pour se déplacer et recourir à un ordinateur qui détecte les mouvements de ses muscles faciaux pour communiquer.

Alvis Hermanis s’est laissé fasciner par la fulgurante intelligence et les paradoxes de cet esprit fort. Il a perçu une contradiction tragique entre la paralysie désormais totale de son corps et les possibilités néanmoins infinies de son intellect, au point de demander au danseur Dominique Mercy du Tanztheater Wuppertal de l’interpréter sur scène. Avec lui, il a conçu lors du finale Choeur d'esprits célestes – une scène surprenante qui rend hommage aux possibilités de l’intelligence et de l’imagination humaine.


Bryn Terfel (Méphistophélès), Alvis Hermanis (mise en scène)
Bryn Terfel (Méphistophélès), Alvis Hermanis (mise en scène)

Bryn Terfel campe un Méphistophélès plus cynique que jamais, une personnification de la science sans conscience qui considère les êtres humains comme des cobayes et la morale comme un détail dans la grande marche du progrès technique. Il orchestre le voyage métaphysique de Faust, qui devient ici un exode interstellaire.


Edwin Crossley-Mercer (Brander), Bryan Hymel (Faust), Sophie Koch (Marguerite)
Edwin Crossley-Mercer (Brander), Bryan Hymel (Faust), Sophie Koch (Marguerite)

Face à la catastrophe écologique annoncée, au surpeuplement et à l’épuisement de nos ressources naturelles, le professeur Hawking est de ceux qui pensent que, pour survivre, l’espèce humaine doit envisager de quitter la Terre et d’aller dans l’espace pour coloniser d’autres planètes. Ce scénario d’anticipation, cette fuite en avant pour répondre au suicide collectif en train d’être perpétré par l’espèce humaine elle-même, ont interpellé Alvis Hermanis.


Sophie Koch (Marguerite), Jonas Kaufmann (Faust)
Sophie Koch (Marguerite), Jonas Kaufmann (Faust)
Alvis Hermanis s’est inspiré du projet Mars One qui, à l’horizon 2025, entend envoyer sur la planète rouge une centaine de candidats triés sur le volet. Il a considéré que ce projet était la manifestation la plus contemporaine de ce rêve fou qui, depuis l’Antiquité, pousse les hommes à vouloir quitter la vie terrestre. Il a lu et relu les témoignages de ces hommes et de ces femmes prêts à accepter ce single ticket – ce voyage sans retour – en s’interrogeant sur leurs motivations : qu’est-ce qui peut pousser un individu à renoncer à tout ce qui fait sa vie pour accepter un tel pacte ?

Les danseurs de La Damnation de Faust
Les danseurs de La Damnation de Faust

La chorégraphie joue un rôle de premier plan dans La Damnation de Faust, qui présente plusieurs scènes de ballet ou développements symphoniques propices à accueillir la danse. Dans cette production, la chorégraphe Alla Sigalova lui prête un rôle qui outrepasse largement les limites de ces parties dansées. Le chœur des danseurs devient l’un des fils conducteurs du spectacle, donnant corps tantôt aux états d’âme de Faust, tantôt à la communauté humaine qui s’apprête à quitter la Terre.


Les danseurs de La Damnation de Faust
Les danseurs de La Damnation de Faust

Pour concevoir cette Damnation de Faust, Alvis Hermanis a collaboré avec la vidéaste Katrīna Neiburga – artiste de premier plan qui représentait l’année dernière la Lettonie à la Biennale de Venise. En plus des séquences vidéo qu’elle a elle-même réalisées, l’Opéra national de Paris a collaboré avec la NASA, l'Agence Spatiale Européenne et le Centre National d’Études Spatiales, ainsi qu’avec les sociétés de production de quelques oeuvres cinématographiques parmi les plus marquantes de ces dernières années, telles que Microcosmos ou Le Peuple des Océans : ces films qui ont superbement célébré le miracle de notre planète. Avec ce précieux matériau, elle a élaboré une architecture vidéo, un voyage fantastique et fantasmatique qui nous emmène loin de notre monde.


Simon Hatab est dramaturge à l'Opéra national de Paris.

© DT / OnP

Les grands débuts

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Regard sur la saison 15/16

06 min

Les grands débuts

Par Octave

À l’occasion de la pause estivale, nous vous proposons un regard rétrospectif sur la première saison de Stéphane Lissner à l’Opéra national de Paris. Chanteurs, metteurs en scène, scénographes… 2015-2016 a marqué les débuts à l’Opéra de Paris de nombreux artistes de premier plan. Retour sur une saison-manifeste.


Et la Folie s’empara du Palais Garnier…

Il faut croire que cette production de Platée mise en scène par Laurent Pelly est indémodable : saison après saison, on la retrouve avec le même plaisir. Plus encore, elle réussit toujours à nous surprendre et à nous arracher des éclats de rire. Il faut dire que cette fois, le spectacle pouvait se prévaloir de la présence de Julie Fuchs, soprano nouvelle génération qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris et nous a comblés par son interprétation de la Folie.

Et Romeo Castellucci se confronta à Moses und Aron…

L’événement inaugural de cette saison a incontestablement été Moses und Aron de Schönberg donné pour la première fois à l’Opéra Bastille. Metteur en scène, auteur de spectacles au théâtre et à l’opéra qui sont autant de chocs visuels, l’Italien Romeo Castellucci s’est confronté à cette fable biblique sur l’errance d’un peuple et les limites de la parole. Le terme de « confrontation » n’est pas de trop lorsque l’on sait la place qu’occupe l’image dans l’esthétique de Castellucci, place qu’interroge précisément Schönberg dans son opéra. De cette opposition dialectique entre un artiste majeur d’aujourd’hui et l’une des œuvres les plus fascinantes du XXe siècle est sorti un geste artistique mémorable, un manifeste esthétique : sur la vaste scène de l’Opéra Bastille, s’est étendu un désert – d’abord blanc puis maculé de noir – jusqu’à faire disparaître les artistes des Chœurs, cependant que les notes de Schönberg résonnaient implacablement. 

Romeo Castellucci en répétition avec les Chœurs de l'Opéra national de Paris
Romeo Castellucci en répétition avec les Chœurs de l'Opéra national de Paris © Elena Bauer / OnP

Et Barbara Hannigan enflamma La Voix humaine…

Autre temps fort de la saison, cette double soirée réunissant Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók et La Voix humaine de Francis Poulenc dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Le metteur en scène polonais n’en était pas à son coup d’essai à l’Opéra de Paris. De lui, on se souvient d’Iphigénie en Tauride (repris la saison prochaine), de L’Affaire Makropoulos ou encore du Roi Roger… Pour son grand retour, il s’est attaché à tisser des liens dramaturgiques étroits entre l’opéra de Bartók et la tragédie lyrique de Poulenc. Le résultat de ce « double bill » est un objet théâtral et musical étrange et fascinant, une expérience intense pour le public. Sous la baguette d’Esa-Pekka Salonen, la soprano canadienne Barbara Hannigan fait ses débuts à l’Opéra de Paris et nous livre une interprétation incandescente de l’amante passionnée et suicidaire de La Voix humaine : elle se consume littéralement sur scène d’un feu qui ne s’éteint que sur les derniers accords de Poulenc.

Et Faust quitta la Terre pour Mars…

Pour ses débuts à l’Opéra de Paris, le metteur en scène letton Alvis Hermanis s’est emparé du mythe de Faust et en a fait une relecture très contemporaine : s’inspirant du projet « Mars One » qui entend coloniser la planète Mars, voyant dans le cosmologue Stephen Hawking le digne héritier du savant, il a imaginé une mise en scène où le pacte du savant avec le Diable devient un aller simple vers la Planète Rouge. Sous la direction musicale de Philippe Jordan, Jonas Kaufmann, Bryan Hymel, Bryn Terfel et Sophie Koch composaient un plateau vocal de premier ordre.

Et Rosina se libéra des griffes de Bartolo…

Rarement un spectacle aura trouvé casting plus parfait : à l’occasion de la reprise du Barbier de Séville dans la mise en scène électrisante de Damiano Michieletto, Lawrence Brownlee et Pretty Yende ont prêté leurs voix au Comte Almaviva et à Rosina. La soprano sud-africaine, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, a composé sur scène une Rosina puissante que son barbon de tuteur Bartolo avait bien du mal à retenir captive… Elle sera de nouveau à l’affiche de l’Opéra dans le rôle-titre de Lucia di Lammermoor tandis que Damiano Michieletto revient la saison prochaine pour une nouvelle mise en scène de Samson et Dalila à découvrir dès le 4 octobre.    
Le Barbier de Séville
Le Barbier de Séville © Julien Benhamou / OnP

Et Rigoletto cessa de rire…

Metteur en scène unanimement célébré de New York à Salzbourg, Claus Guth n’avait jusqu’alors jamais eu l’occasion de réaliser une mise en scène pour l’Opéra de Paris. C’est chose faite avec ce Rigoletto, pour lequel il nous a livré, comme à son habitude, une vision glaçante et chirurgicale qui fait de Gilda, la fille du bouffon, l’objet de tous les fantasmes : l’occasion pour Olga Peretyatko de faire des débuts remarqués à l’Opéra de Paris aux côtés de Quinn Kelsey. Une production qui sera reprise dès la saison prochaine.

Et Lear fut créé en version originale au Palais Garnier…

Dernière nouvelle production lyrique de la saison, la représentation du Lear d’Aribert Reimann, d’après Shakespeare pour la première fois en langue originale au Palais Garnier, aura été l’un des événements marquants de cette saison. Pour l’occasion, le metteur en scène Calixto Bieito nous aura offert un spectacle coup de poing à la hauteur du drame shakespearien. De quoi nous donner hâte de découvrir sa Carmen programmée pour la saison à venir… On ressent encore quelques frissons en songeant à l’interprétation époustouflante qu’a donnée Bo Skovhus de ce roi aux portes de la mort…    
Les artistes de Lear, extrait d'une vidéo réalisée par Sarah Derendinger pour la production
Les artistes de Lear, extrait d'une vidéo réalisée par Sarah Derendinger pour la production

Jonas Kaufmann

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À propos de La Damnation de Faust

2:45 min

Jonas Kaufmann

Par Felipe Sanguinetti

Pour son grand retour à l’Opéra de Paris, Jonas Kaufmann enflamme le rôle-titre de La Damnation de Faust. Avant d’entrer en scène, il a accepté de nous donner son point de vue sur la légende dramatique de Berlioz.

© Felipe Sanguinetti

Le diable au corps

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Portrait de Bryn Terfel en Méphistophélès

07 min

Le diable au corps

Par Aleksi Barrière

Dans La Damnation de Faust, le baryton-basse à la carrière impressionnante endosse le rôle diabolique de Méphistophélès. Portrait de ce chanteur colossal qui hante les plus grandes scènes lyriques du monde. 

Parmi les corps scrutés et surexposés des célébrités, objets d’admiration et de dévotion déclinés en reliques et autres marques de fétichisme, le corps du chanteur lyrique est un cas à part. Rarement dévoilé, il est certes moins qu’au cinéma soumis à l’inquisition des gros plans, dont l’absence n’est d’ailleurs guère compensée par cet accessoire en voie d’extinction, les jumelles de théâtre. Pourtant, ce corps, si lointain, demeure plus présent que ne le rendrait le plus voyeur des cinéastes, même quand il est enfermé dans un de ces pourpoints ou vertugadins qui tendent à le dissimuler. Sur la scène immense, affrontant une salle qu’il doit conquérir à la force de sa voix, le chanteur est à la fois gigantesque et fragile. Même si l’artiste met un point d’honneur à donner aux performances les plus virtuoses l’apparence du naturel, le public ne dédaigne pas la fièvre suscitée par l’émission d’un contre-ut, le gonflement de la cage thoracique ou la goutte de sueur trahissant l’effort d’autant plus beau qu’il est contenu et canalisé par les exigences du plateau.

À cinquante ans, le Gallois Bryn Terfel s’est imposé, de Vienne à New York en passant par Milan, comme un de ces corps que l’on vient voir autant qu’entendre. Ce colosse de plus d’un mètre quatre-vingt-dix débute sa carrière dans les grands Mozart avant d’entamer en douceur les marathons wagnériens, il s’empare déjà de la scène avec un charisme qui transforme sa haute stature en une présence dominatrice. Il séduit, tant l’impressionnante technique vocale semble entièrement absorbée par sa gourmandise de musicien et d’acteur. Exhibant aujourd’hui une puissance arrivée à maturité, il fascine par sa capacité à négocier avec cette douceur que ne permet que la force des parlandos, presque des chuchotements, ou de ces accents qui révèlent l’appropriation subtile du texte, face à des orchestres romantiques, dans ces passages où tant de voix barytonnantes forcent, se brisent, ou sombrent dans l’inintelligibilité.

Pourtant, le baryton-basse n’a de cesse de rappeler ses origines modestes, qui ne le destinaient pas à élargir son répertoire au-delà du folklore gallois – qu’il continue d’honorer en concert et au disque. Autre paradoxe, cet être que ses collègues louent unanimement pour son naturel chaleureux et bonhomme, qui a créé une fondation destinée à soutenir financièrement les chanteurs de la nouvelle génération, semble voué à interpréter les rôles les plus noirs du canon.

L’identification traditionnelle des couleurs sombres de sa tessiture avec les pires villains de l’opéra – selon l’équation fameuse de George Bernard Shaw qui veut que le rôle du baryton soit de contrarier l’amour du ténor et de la soprano – semble à ce point désormais faire partie de son ADN qu’il leur a consacré un CD sous le titre éloquent de Bad Boys (Deutsche Grammophon, 2010). Jouisseurs machiavéliques comme Don Giovanni ou Scarpia, souverains décadents consommés par leur démesure comme Créon (Œdipus Rex) ou Wotan, ou encore âmes maudites en perdition comme le Hollandais du Vaisseau fantôme ou le personnage-titre de la comédie Sweeney Todd qui fait partie de ses rôles de prédilection, Terfel semble couvrir avec volupté tout le spectre qui va du malheur au mal absolu. Il pousse le vice jusqu’à être un des spécialistes des représentations du Diable en personne, depuis le Nick Shadow du Rake’s Progress (gravé au disque avec Gardiner en 1999), en passant par ses quatre incarnations dans Les Contes d’Hoffmann (notamment en 2002), et jusqu’aux différents remixes goethéens que sont le Faust de Gounod, le Mephisto de Boito (en concert), et aujourd’hui La Damnation de Faust de Berlioz.

N’oublions pas que les premiers mots prononcés par Faust dans la pièce de Goethe sont le constat de l’impasse dans laquelle il se trouve à l’issue d’une vie passée à étudier la philosophie. Et c’est alors que commence le théâtre. Le chanteur chargé du rôle de Méphisto est, peu ou prou, dans la même situation, comme nous à cet endroit du raisonnement : prêt à abandonner la réflexion et les concepts au profit de la réalité du plateau et de ses enjeux. Qu’il soit l’instigateur d’une « diablerie » – scénique ou musicale – ou simplement le protagoniste qui vient transformer le monologue de Faust en dialogue, le Diable qui « tire les ficelles » du drame n’en est pas simplement le moteur, il en est l’orchestrateur et le metteur en scène. Il est le représentant, non pas allégorique, mais concret du théâtre, qui incarne tous les merveilleux vices humains. Il n’incarne pas le mal, il joue la comédie troublante du bien et du mal. Voilà enfin que se dessine un rôle à la mesure de Bryn Terfel, et des qualités qui sont les siennes. La « bête de scène » seule peut donner corps au théâtre en tant que théâtre, par sa seule présence au plateau. Seul ce Don Juan croisé avec Falstaff peut être le « joueur généreux » que Baudelaire voyait dans le Diable. À quoi joue-t-il ? À faire du théâtre, c’est-à-dire à révéler en toutes choses leurs doublures. L’opéra fait éclater dans la jouissance du chant les corps que la société étouffe. C’est peut-être la clef du mystère de la voix de Bryn Terfel et de ses couleurs séductrices et démoniaques.

Ce rôle gratifiant par son caractère coloré est particulièrement difficile, puisque Méphisto, rôle dit « secondaire » malgré sa centralité, n’a pas la même charge vocale et psychologique que Faust. Il est toujours présent sans être toujours au cœur de l’action. Et pourtant, il lui faut avec une énergie constante mettre la mécanique théâtrale en branle, en particulier dans la « légende dramatique » de Berlioz où il articule entre eux des tableaux que d’aucuns ont jugé flottants, jusqu’à la course à l’abîme finale. Le compositeur-adaptateur, qui avait déclaré que « la musique a de grandes ailes que les murs d’un théâtre ne lui permettent pas d’étendre entièrement », lance à cet égard un appel formidable : contrairement à Goethe, il fait triompher le théâtre – ne serait-ce qu’un théâtre impossible à réaliser avec les moyens de son temps – en donnant la victoire à Méphisto… mais il donne le dernier mot à la musique avec l’ascension au ciel de Marguerite. Programme d’un compositeur d’opéra : le théâtre avec ses effets est un séducteur duplice, dont on peut tirer le meilleur en jouant de sa séduction même – mais que la musique peut emmener plus loin encore, sur un plan supérieur. Il est bon de danser avec le Diable, de le laisser « conduire le bal » comme il dit chez Gounod – tant que l’on ne se laisse pas trop berner.

Les grands metteurs en scène qui s’emparent des œuvres du passé sont là pour nous rappeler que le théâtre, opéra compris, ne peut pas se complaire dans la pure contemplation de lui-même et doit se laisser pénétrer, dans un mouvement infatigable de marée, par le monde qui se tourne vers lui. Mais, de leur côté, les chanteurs du calibre de Bryn Terfel peuvent nous rappeler, dans la densité et la générosité de leur corps dressé pour la musique, que le spectacle lui-même est un élan de vie, pour lequel nous sommes prêts à nous damner.

Aleksi Barrière est dramaturge, metteur en scène et traducteur. Fondateur avec le chef d'orchestre Clément Mao-Takacs de la compagnie La Chambre aux échos, qui se consacre au théâtre musical entre répertoire et création contemporaine, il est l'initiateur de nombreux projets artistiques, pédagogiques et éditoriaux.

  • « La Damnation de Faust » - Trailer
  • « La Damnation de Faust » vue par Sophie Koch pour le Cercle Berlioz
  • « La Damnation de Faust » vue par Alvis Hermanis pour le Cercle Berlioz
  • Jonas Kaufmann à propos de La Damnation de Faust
  • La Damnation de Faust - Hector Berlioz

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Dans les deux théâtres, des places à tarifs réduits sont vendues aux guichets à partir de 30 minutes avant la représentation :

  • Places à 35 € pour les moins de 28 ans, demandeurs d’emploi (avec justificatif de moins de trois mois) et seniors de plus de 65 ans non imposables (avec justificatif de non-imposition de l’année en cours)
  • Places à 70 € pour les seniors de plus de 65 ans

Retrouvez les univers de l’opéra et du ballet dans les boutiques de l’Opéra national de Paris. Vous pourrez vous y procurer les programmes des spectacles, des livres, des enregistrements, mais aussi une large gamme de papeterie, vêtements et accessoires de mode, des bijoux et objets décoratifs, ainsi que le miel de l’Opéra.

À l’Opéra Bastille
  • Ouverture une heure avant le début et jusqu’à la fin des représentations
  • Accessible depuis les espaces publics du théâtre
  • Renseignements 01 40 01 17 82

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Q-Park Opéra Bastille 34, rue de Lyon 75012 Paris

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Dans les deux théâtres, des places à tarifs réduits sont vendues aux guichets à partir de 30 minutes avant la représentation :

  • Places à 35 € pour les moins de 28 ans, demandeurs d’emploi (avec justificatif de moins de trois mois) et seniors de plus de 65 ans non imposables (avec justificatif de non-imposition de l’année en cours)
  • Places à 70 € pour les seniors de plus de 65 ans

Retrouvez les univers de l’opéra et du ballet dans les boutiques de l’Opéra national de Paris. Vous pourrez vous y procurer les programmes des spectacles, des livres, des enregistrements, mais aussi une large gamme de papeterie, vêtements et accessoires de mode, des bijoux et objets décoratifs, ainsi que le miel de l’Opéra.

À l’Opéra Bastille
  • Ouverture une heure avant le début et jusqu’à la fin des représentations
  • Accessible depuis les espaces publics du théâtre
  • Renseignements 01 40 01 17 82

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