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Karim
Zeriahen

Réalisateur

Parisien, il a longtemps vécu à Londres. Avec d'autres capitales dans la poche. Sillonneur à scooter ou avaleur de miles, il préfère les géographies arty. C'est un coureur d'expos. Un adorateur de portraits, Frida Kahlo ou John Sargent, Rubens ou Titien... Qui cherche quand ça bascule. Le décrochage spirituel, yeux dans les yeux. Quand celui qui regarde devient celui qui est regardé. Il préfère la communion à la communication, même s'il connait tous les codes. Ce qui lui vaut des amitiés variées, citadines, profondes, des ports d'attache où il peut revenir quand il veut. On aurait pu le cataloguer en esthète dilué. Et on aurait juste oublié son double intime, l'athlète serré. Sous la soie de sa voix, reste le cuir du mental armé qui a façonné son enfance. Une fois, il a huit ans, il suit sa mère qui se délasse à la patinoire. Alors, une heure par semaine, oui, pour voir. Puis six heures par jour. Quatre mois après, il est champion de France de danse sur glace. La petite fille qu'il soulève dans l'azur des néons s'appelle Christine. Résultat, le titre plusieurs années de suite, les compets internationales comme vacances, le bac S... Sans emploi du temps aménagé, c'est très sport. Croiser les patins, les matins encore sous la nuit, avant les cours. Enchaîner l'entraînement bis du soir, avant les devoirs. Il y a une facture en plus. Un léger décalage avec les ados de son âge. Pas d'amis, sauf les patineurs, ses concurrents. C'est Philippe Decouflé et sa bande qui siffle sa récré. Celle où tout le monde était. Du moins devant la télé : 1992, plus belle cérémonie des J.O., Albertville. Karim est casté, surfeur caréné en combi d'argent. Sur des patins à roulettes, serein. C’est l'adieu aux lames, il change de braquet.

De bombe bien aimée des caméras télé, c'est lui qui filme désormais. Il collabore avec la chorégraphe Mathilde Monnier. Réalise des documentaires, Paul Morrissey, Albert Maysles, Joe Dallesandro... des trajectoires. Il a suffisamment travaillé les siennes au millimètre. Il sait comment nos plus petits mouvements sont ultra bavards. Pour ses Living Video, ses natures vivantes, des hyperactifs, des bolides du planning ont tout suspendu. Ils ont levé le pied, dépasser d'un coup le temps qui passe. Dans une lumière caramel, les chefs Pourcel sages comme des images, ligotés par le jeu de la pause. Leur énergie affleure en concentré, c'est malicieux et troublant. Il y a des effets secondaires aussi, un ralentissement, une sensualité aquatique qui entraîne. C'est peut-être juste, comme l'a écrit René Char, que « la vie aime la conscience que l'on a d'elle ». Quelques minutes, cesser de jouer à l'algue énervée par les courants. Se découvrir respirant, inspirant.